AUDITION DE L’INSTITUT DE VICTIMOLOGIE A LA COMMISSION DES LOIS DE L’ASSEMBLEE NATIONALE LE 10 AVRIL 2018 SUR LES VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES

 

 

Nous ciblerons en priorité les violences sexuelles exercées sur les mineurs dans le champ de nos compétences professionnelles.

Nous envisagerons successivement plusieurs problèmes qui nous paraissent peu ou insuffisamment pris en compte dans le débat actuel sur les violences sexuelles : 1) la nécessité de fixer une limite non négociable de viol selon l’âge et l’allongement des délais de prescription, 2) le silence sur l’inceste, 3) la nécessité de réformer le Code de la santé publique et la déontologie médicale, 4) l’absence de prise en compte de l’action 58 du 5° plan contre les violences faites aux femmes 2017-2019, 5) l’insuffisance de l’offre de soins aux enfants victimes de violences sexuelles.

 INTRODUCTION

L’ampleur des conséquences et la fréquence des viols sont correctement évaluées par différentes études et enquêtes (ONDPR, Virage.) Les conséquences sont à la fois somatiques, psychologiques et sociales.

Les femmes victimes de violences sexistes savent se faire entendre contrairement aux enfants qui ne votent pas et ne défilent pas. Or, les enfants sont particulièrement touchés (4 millions de victimes de l’inceste) dans une sorte d’indifférence générale tandis qu’il est difficile de les évaluer précisément en raison notamment des incertitudes scientifiques qui pèsent sur les enquêtes rétrospectives.

L’accompagnement social et judiciaire est indispensable, bien développé en France par toutes sortes d’association compétente (FCIDFF, Solidarité Femmes, AVFT, France victimes, l’AIVI, etc.), mais de nombreuses victimes se heurtent à la justice surtout lorsqu’il s’agit de procédure impliquant des mineurs.

I. UNE LIMITE D’AGE IRREFRAGABLE POUR LE VIOL SUR MINEURS ET L’ALLONGEMENT DES DELAIS DE PRESCRIPTION

 En deçà d’un certain âge, un mineur ne peut consentir à une interaction sexuelle avec un adulte pour différentes raisons : le déséquilibre des forces en présence, l’absence de compréhension du mineur (on parle de confusion de langue), les stratégies d’emprise qui peuvent donner l’illusion que la victime a pris le parti de l’adulte (on parle d’inceste soi-disant amoureux).

La loi limite la vitesse et sanctionne à juste titre l’automobiliste qui explique que sur un tronçon de route particulier il n’y avait aucun danger. Et on hésite à sanctionner un adulte qui a une interaction sexuelle avec un mineur.

Cependant, il faut tenir compte de l’âge des partenaires et décider d’un écart d’âge à déterminer pour appliquer cette loi.

Nous proposons une modification de la loi permettant de qualifier viol ou agression sexuelle toute interaction sexuelle survenant entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur.

II. LE SILENCE SUR L’INCESTE

Il est certes compréhensible que la prescription ait été allongée pour les viols commis sur les viols sur mineurs de 15 ans, mais ce délai devrait être plus long pour les victimes de l’inceste qui sont totalement absentes du débat public.

Les associations réclament un plan national contre l’inceste et une loi spécifique qui paraît nécessaire compte tenu de sa fréquence et du déni dont il est frappé.

III. LA NECESSITE DE REFORMER LE CODE DE LA SANTE PUBLIQUE ET LA DEONTOLOGIE MEDICALE

 Les professionnels de santé ne feraient que 5% des signalements et des Informations préoccupantes.

Le code de déontologie médicale leur recommande de faire « preuve de prudence ET de circonspection » et leur permet de ne pas signaler un enfant maltraité en cas « de circonstances particulières qu’il apprécie en conscience » (article 44 du code de déontologie médicale – article R.4127-44 du code de la santé publique).

Il paraît nécessaire de supprimer la redondance et surtout la clause de conscience.

IV. L’ACTION 58 DU 5° PLAN CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES 2017-2019

Le soi-disant « syndrome d’aliénation parentale » est une idéologie redoutable qui obscurcit l’esprit critique d’experts qui n’ont pas une « compétence en pédopsychiatrie ou en psychologie de l’enfant, attestée par leur formation et une pratique régulière de la spécialité », conditions nécessaires selon une des recommandations consensuelles de l’Audition publique sur l’expertise pénale (2007).

La fiche proscrivant son utilisation ne figure toujours pas sur le site du ministère de la Justice.

V. L’INSUFFISANCE DE L’OFFRE DE SOINS AUX ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES

 Il conviendrait de favoriser la création d’unité de soins pour traiter les psychotraumatismes des enfants victimes de violences sexuelles compte tenu des conséquences redoutables sur le plan psychologique (trouble de la personnalité, tentatives de suicides, troubles addictifs, troubles des comportements alimentaires) et social (exclusion sociale, troubles du comportement, délinquance).

Il faudrait réformer la possibilité pour un parent agresseur d’exiger l’interruption d’une psychothérapie au motif qu’il dispose de l’autorité parentale.

RAPPEL DES RECOMMANDATIONS

  1. Modifier la loi pour permettre de qualifier viol ou agression sexuelle toute interaction sexuelle survenant entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur.
  2. Augmenter le délai de prescription des viols par inceste.
  3. Supprimer la clause de conscience de l’article 44 du code de déontologie médicale – article R.4127-44 du code de la santé publique.
  4. Mettre sur le site du ministère de la Justice  la fiche proscrivant l’utilisation du soi-disant « syndrome d’aliénation parentale » (action 55 du 5° plan contre les violences faites aux femmes)
  5. Favoriser la création d’unité de soins pour traiter les psychotraumatismes des enfants victimes de violences sexuelles et réformer la possibilité pour un parent agresseur d’exiger l’interruption d’une psychothérapie au motif qu’il dispose de l’autorité parentale.

Dr Gérard Lopez

Président de l’Institut de Victimologie

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