Pons JM, Les états limites, Paris, Mon Petit éditeur, 87p, 2013
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La rencontre quotidienne en consultation de dispensaire, de services hospitaliers, de cabinet, de femmes marquées par la vie, épuisées, dans le contexte général d’un ancien bassin minier, a poussé Jean-Marc Pons à étudier des états limites. Ces femmes racontaient des histoires pleines de violence, de pauvreté, de fuites du domicile avec les enfants, de tournées de bistrot à la recherche de leur père ou de leur mari. L’alcool bien sûr, mais pas toujours, pas seulement.
A la Faculté, ou en petit comité, des enseignants parlaient du pouvoir des femmes et de leurs bénéfices secondaires … Si elles restent disaient-ils, c’est qu’elles y trouvent leur compte, il ne faut pas s’apitoyer sur le sort de ces manipulatrices qui tirent les ficelles dans l’ombre. Mais un bon psychiatre cherche derrière les apparences. Les magnifiques bénéfices secondaires tant vantés par des enseignants, à qui on ne la faisait pas, c’était au fil des ans, des existences passées à payer des dettes d’alcool, des corps délabrés par les coups ou par la malnutrition, conclues par une mort précoce …
Un livre : Le Vampirisme au quotidien de Gerard Lopez lui à montrer qu’il n’était pas le seul à critiquer la doxa psychiatrique. Il a ensuite découvert Jean Bergeret, ses notions de traumatisme infantile précoce et d’après-coup. Puis Otto Kernberg qui pointe des traumatismes liés à la violence. Rapidement, la littérature a été fait état d’une troisième cause : l’abandon. Souvent les états limites sont appelés abandonniques, mais cet abandon serait rarement effectif, mais perçu comme tel, quand l’état limite évoque son enfance.
Selon Pons, l’interrogatoire ne retrouve pas de traumatisme mais un manque manifeste de repères dans l’éducation, et parfois pas d’éducation du tout : « Ils n’ont pas été mis au monde, » écrit-il.
Quand il a écrit un premier texte, il a la surprise de constater, que souvent ses collègues découvrent le sujet.
A présent, il estime, avec mes collègues de travail, que les états limites représentent la majorité des patients, lesquels passent rapidement de l’abattement à l’excitation. Cette caractéristique créerait une confusion avec le concept de bipolarité… extrêmement rentable pour l’industrie pharmaceutique. Mais les états limites sont excessifs et ne connaissent pas la nuance : la « bipolarité » de la population est, écrit-il, la démolition de la courbe de Gauss.
Ce livre s’appuie sur l’expérience de Jean-Marc Pons qui passe en revue, dans moins d’une centaine de pages : les origines traumatiques, l’état intermédiaire tel que le rapporte le patient et les autres ; les conséquences sur les autres ; les modes de présentation de l’état limite ; la signification des symptômes ; les différents traitements proposés.
CONCLUSION INTEGRALE DU LIVRE DE JEAN-MARC PONS
La clinique nous incite à penser que les symptômes de l’adulte reprennent l’histoire de l’individu : un traumatisme sexuel, alors que l’éducation a été de bonne qualité, donne des individus très difficile à détecter, car ils ont une vie normale, sauf au moment du passage à l’acte. Nous pensons que cette notion pourra aider à retrouver dans le quotidien de ces personnes, les petits signes révélateurs d’une personnalité pathologique.
Ceux qui ont des carences éducatives majeures ont des symptômes nombreux, qui envahissent le champ relationnel.
La caractéristique de l’état intermédiaire[1] est la dépendance à l’Autre, cet Autre qui est maternalisé et qui est à la fois objet d’angoisse dans la séparation, et objet de toutes les attaques s’il se refuse.
Nous l’avons dit plusieurs fois, il y a chez ces personnes une grande difficulté à entendre le NON, et une incapacité à se mettre à la place de l’autre.
C’est pourquoi, à la différence de certains spécialistes qui vient chez eux une incapacité d’empathie, nous pensons que l’état intermédiaire considère que l’Autre lui doit quelque chose, d’où un plaisir à se venger de l’Autre qui, en quelque sorte, est puni.
L’angoisse du monde extérieur liée à une peur issue de son univers d’enfant, entraine des conduites de réassurement : les T.O.C., les conduites addictives avec en particulier la drogue, l’anorexie mentale sont une tentative désespérée pour s’approprier un contrôle sur le monde.
Lorsque les tentatives ont échouées, on peut constater des conduites très régressives comme le syndrome de Diogène.
La somatisation de l’angoisse est bien sûr très fréquente, elle est superposable à la somatisation hystérique ; la présentation dépressive est extrêmement courante, elle est à la fois cause et solution ; puisqu’elle permet dans nos société à l’état intermédiaire d’être pris en charge.
Le choix de la terminologie intermédiaire traduit bien à notre sens la situation « géographique » de cet état sur la ligne de la construction de l’individu.
Il paraît important, dès lors, d’envisager de revoir notre façon de caractériser un état psychiatrique, en particulier la dépression et de spécifier si la dépression apparaît :
– sur une personnalité névrotique, avec l’accentuation du sentiment de culpabilité,
– sur une personnalité état intermédiaire, avec un apitoiement et mise en danger pour interpeler l’Autre, soit pour le faire revenir, soit pour le punir,
– sur une personnalité psychotique, avec augmentation de la déstructuration.
En effet le traitement ne sera pas le même. On retrouve un cas de figure qui est la règle en médecine, par exemple un endocrinologue soigne les hypo et les hyper glycémies, un psychiatre doit être capable de soigner un hypo ou un hyper mature.
Pour revenir à notre état intermédiaire, il peut paraître choquant de mettre dans le « même sac » l’escroc à la petite semaine et le serial killer, le vieillard tyrannique et le gourou mais, nous le redisons, si la forme est différente, seule l’intensité varie. Avec ce travail, on comprend mieux pourquoi n’ont pas été réunies dans une même pathologie des entités très différentes, car les symptômes se présentaient de façon diamétralement opposée. C’est donc la caractéristique des états intermédiaires : un fond analogue et une présentation avec des formes opposées.
Chacun a, ensuite, son propre jugement, sa propre liberté d’action, et ceux qui ont conscience de leur trouble, et qui admettent une part de responsabilité, peuvent plus facilement évoluer vers la guérison.
Bonne lecture.
Notes