Jean-Philippe É. Daoust1,2, M.A.P., Ph.D., Malik Ait Aoudia3,4, Master, DU, Ph.D., Steffie Grail2, Master, DU & Catherine Juéry2,5, M.Sc., candadite D.Psy.
- Université d’Ottawa – Département de Psychiatrie de la Faculté de Médecine & Faculté d’Éducation [Ottawa, Ontario, Canada]
- Psychologie et Consultation Outaouais – PSYCO [Gatineau, Québec, Canada]
- Faculté de Médecine Paris-Descartes [Paris, France]
- Centre du Psychotrauma de l’Institut de Victimologie
- Université du Québec en Outaouais (UQO) – Département de psychoéducation et de psychologie [Gatineau, Québec, Canada]
Cette étude a été approuvée par le Comité d’Éthique à la Recherche (CER) de l’Hôpital Montfort selon les énoncés des trois conseils canadiens (no. JPD-20-10-14) avec approbation éthique complémentaire de l’UQO (no. 2074). Elle a été rendue possible en partie grâce à une bourse de doctorat accordée à Catherine Juéry par l’Institut de Recherche de l’Hôpital Montfort, que nous remercions pour cette contribution.
Veuillez adresser toute correspondance à :
Dr Jean-Philippe É. Daoust
- Clinique des Traumatismes liés au Stress Opérationnel
- Le Royal – Santé mentale – Soins et Recherche
- 1145 avenue Carling, Ottawa, Ontario, Canada, K1Z 7K4
- jpdaoust@uottawa.ca
RÉSUMÉ.
L’objectif de cette étude est de traduire et de valider la version française autorisée du NDQ. Des individus (N = 130) issus d’une population clinique aux prises avec des psychotraumas ont complété le NDQ, le PCL-s, le MAST, le DAST, le PSI-14 ainsi que des mesures évaluant la quantité d’événements traumatiques vécus et la perception d’efficacité personnelle à composer avec les cauchemars. La cohérence interne de la version française est excellente (α = .93). Les résultats d’une analyse factorielle en composantes principales confirment la structure en trois facteurs de l’instrument. Une série d’analyses complémentaire permet aussi de confirmer les validités convergente et discriminante du NDQ. En conclusion, la version francophone du NDQ semble valide et son caractère international est certes un atout pour la francophonie mondiale.
INTRODUCTION.
Le Nightmare Distress Questionnaire (NDQ) est un questionnaire de treize items qui a été développé et validé par Belicki (1992a). Il constitue le questionnaire le plus largement utilisé pour évaluer la détresse associée aux cauchemars. Il a été validé en prenant appui sur quatre échantillons estudiantins universitaires regroupant un total de 540 participants. Les premières études ont fait état de coefficients de cohérence interne adéquats variant entre .83 et .88 (Belicki, 1992b). Ces résultats sont depuis confirmés par d’autres études.
Le score total (addition des 13 items qui peuvent varier de 0 à 4) est le score le plus souvent utilisé. Alors que le score total peut varier entre 0 et 52, un seuil critique de 20 permet généralement de cibler une détresse significative. Trois sous-composantes ont aussi été identifiées (Belicki, 1992b ; N = 162) : (a) Préoccupation/peur [items 1-2-3-4-11-12 ; seuil critique de 10], (b) Interférence [items 5-7-8-13 ; seuil critique de 7] et (c) Prémonition [items 9-10 ; seuil critique de 4] ; l’item 6 étant exclu du découpage en sous-dimensions. Böckermann et al. (2014) ont récemment confirmé une structure factorielle en trois facteurs (détresse générale, impact sur le sommeil et impact sur la perception de la réalité diurne ; N = 213) lors de leur validation de la version allemande du NDQ.
La traduction française du NDQ a été autorisée par Belicki en 2015 et réalisée dans un contexte international franco-canadien et ce, selon une méthode de type comité (Brislin, Lonner & Thorndike, 1973). La validation du NDQ a été ensuite réalisée par la même équipe
MÉTHODOLOGIE.
Un devis de recherche observationnel de sous type cross sectional design (Kazdin, 2002) a été mis en application dans le cadre d’une étude transversale.
Sujets
La taille de l’échantillon visée et obtenue est de 130 participants. Ces derniers étaient volontaires et franco-ontariens. Ils ont été recrutés au Programme de santé mentale externe (PSM) de l’Hôpital Montfort. Les critères d’inclusion étaient : (1) être aux prises avec un TSPT actuel, (2) parler et comprendre la langue française et (3) être âgé de 18 ans et plus. Les critères d’exclusion ont été restreints au minimum dans le but d’obtenir une bonne validité écologique : (1) être aux prises avec une décompensation psychotique ou maniaque au moment de la rencontre d’évaluation et (2) être en crise suicidaire lors de l’évaluation.
Instruments
Les instruments utilisés présentaient de bonnes propriétés psychométriques et étaient disponibles en français : le Posttraumatic Stress Disorder Checklist [PCL-s], l’Indice de détresse psychologique [Psychiatric Symptom Index; PSI-14], le Michigan Alcohol Screening Test [MAST-22] et le Drug Abuse Screening Test [DAST-20]. Dans le contexte de cette étude, nous avons conçu un outil dans le but d’estimer la perception d’efficacité personnelle à gérer les cauchemars.
Procédure
Le processus de recrutement a débuté par une référence à un Programme externe de psychiatrie, où les participants potentiels de l’étude ont fait l’objet d’une évaluation médicale (évaluation faite par des psychiatres ou un médecin de famille spécialisé en santé mentale et toxicomanie). Selon le jugement médical (diagnostic de TSPT ou non), les participants potentiels ont par la suite été référés aux services en psychotraumatologie (Clinique Spécialisée en Traumatologie Psychiatrie – CSTP) offerts au sein du même établissement hospitalier.
Au moment de leur accueil à la CSTP, les participants potentiels ont été réévalués par un psychologue d’expérience pour vérifier leur éligibilité à la présente étude et obtenir leur consentement libre et éclairé. Pour les participants retenus (seulement deux exclusions ont été notées dans le cadre de cette étude : l’une pour cause d’entrée dans un centre de traitement de la toxicomanie et l’autre étant donné la langue d’usage de la personne référée qui était l’anglais et non le français), il y a eu passation des questionnaires auto-révélés incluant la récolte des données sociodémographiques et ce, sous surveillance et assistance lorsque nécessaire et demandée (durée d’environ 1 heure).
RÉSULTATS.
Les participants étaient en majorité des femmes (79.2%) et étaient âgées en moyenne de 44.17 ans (ÉT = 12.36). Le tableau 1 fait état des résultats de l’analyse factorielle confirmatoire. En termes de respect des postulats de bas, l’analyse de la matrice des corrélations des items du NDQ permet tout d’abord de constater que les items sont minimalement corrélés entre eux. Puis, la mesure de l’adéquation de l’échantillonnage se révèle excellente (KMO = .93, dl = 78, p < .000). Finalement, le test de sphéricité de Bartlett est significatif
Le tableau 2, quant à lui, présente les corrélations entre les variables à l’étude.
DISCUSSION.
La version française du NDQ semble valide et peut être utilisée avec confiance pour l’évaluation de la détresse inhérente aux cauchemars et ce, que ce soit seule ou avec son complément pour la qualité du sommeil post-traumatique, la version française du PSQI-A (Ait Aoudia et al., 2013).
La solution factorielle du NDQ français explique 71% de la variance totale ; ce qui est supérieure aux versions anglaise et allemande. Bien qu’il y ait des saturations croisées, il semble que la solution factorielle du NDQ français est similaire à la VOA. Ainsi, trois facteurs sont identifiables : (1) Préoccupation/peur (items : 1-2-3-4-6-9-11 où la capacité à faire face aux cauchemars de l’item 6 serait considérée comme une préoccupation pour le dormeur et où l’item 9 passerait du 3e au 1er facteur laissant croire que ce sont les événements traumatiques rejoués dans les cauchemars qui sont préoccupants (interférence rétroactive) et non pas les créations cauchemardesques nocturnes qui viendraient prédire le futur diurne (interférence proactive), (2) Interférence avec le sommeil (items : 5-7-8-12-13 où la recherche d’aide de l’item 12 serait inhérente à une interférence au sommeil plutôt qu’une préoccupation) et (3) Prémonition (item :10).
Les validités convergente et discriminante du NDQ semblent adéquates et mettre en évidence l’unicité et la pertinence du concept à l’étude dans le contexte des trouble du sommeil post-traumatique.
RÉFÉRENCES.
- Ait Aoudia, M., Levy, P.P., Biu, E., Insana, S., de Fouchier, C. Germain, A., & Jehel, L. (2013). Validation of the French version of the Pittsburg Sleep Quality Index Addendum for Posttraumatic stress disorder. European Journal of Psychotraumatology, 12(4), doi: 3402/ejpt.v4i0.19298.
- Belicki, K. (1992a). Nightmare frequency versus nightmare distress: Relations to psychopathology and cognitive style. Journal of Abnormal Psychology, 101, 592-597.
- Belicki, K. (1992b). The relationship of nightmare frequency to nightmare suffering with implications for treatment and research. Dreaming, 2(3), 143-148.
- Böckermann, M., Gieselmann, A., & Pietrowsky, R. (2014). What does nightmare distress mean? Factorial structure and psychometric properties of the Nightmare Distress Questionnaire (NDQ). Dreaming, 24(4), 279-289.
- Brislin, R.W., Lonner, W.J., & Thorndike, R. (1973). Cross-cultural research methods. New York: Wiley.
- Kazdin, A. E. (2002). Research design in clinical psychology (4th ed.). Toronto: Allyn an Bacoin.