CABOT Adeline
- Psychologue clinicienne
- Mémoire pour le diplôme universitaire de victimologie de l’Université Paris Descartes-Université de Paris
Introduction
Le développement des outils de communication à distance ne cesse d’évoluer pour offrir à leurs usagers de multiples possibilités d’envoi et de partage de message, d’image et de vidéo en temps réel que ce soit de personne à personne, en groupe restreint ou vers un large public ouvert sur le web. Les possibilités sont multiples tant sur les supports (téléphones, ordinateurs, tablettes…) que par les médias de communication possible (Facebook, Whatsapp, Tiktok, Snapchat, Twitter, Instagram, Zoom…).
L’usage de ces nouvelles possibilités de communication peut apporter de nombreux avantages, mais aussi générer de la cyberviolence. Certains usagers peuvent générer de la violence ayant des impacts négatifs chez les personnes (ou groupes de personnes) visés.
Ces médias sont largement utilisés par le jeune public dans leurs interactions en général. C’est pourquoi nous allons nous intéresser au revenge porn, en français la vengeance pornographique.
L’objectif de ce mémoire est de faire un état des lieux actuel sur la question de revenge porn et du sexting chez les adolescents et jeunes adultes. Et pour cela nous allons nous centrer sur l’étude de deux axes suivants:
- les définitions des termes de recherche vengeance pornographique et sexting,
- l’exploration du phénomène de la vengeance pornographique et du sexting chez les adolescents et jeunes adultes.
Méthode de recherche
La recherche d’articles a été effectuée durant les mois d’août et de septembre 2020, auprès des 25 bases de données suivantes :
MEDLINE, Academic Search Premier, APA PsycArticles, APA PsycInfo, Art Abstracts (H.W. Wilson), Arte Público Hispanic Historical Collection: Series 1, Arte Público Hispanic Historical Collection: Series 2, eBook Collection (EBSCOhost), ERIC, Fuente Académica, GreenFILE, Historical Abstracts with Full Text, Hospitality & Tourism Complete, Index Islamicus, LGBTQ+ Source, Library, Information Science & Technology Abstracts, MLA Directory of Periodicals, MLA International Bibliography, Philosopher’s Index, Psychology and Behavioral Sciences Collection, RILM Abstracts of Music Literature, SocINDEX with Full Text, Women’s Studies International.
Pour répondre à ces points d’exploration plusieurs recherches ont été effectuées sur ces bases de données.
Afin de trouver des articles concernant :
- la définition de la vengeance pornographique, les mots clés « revenge porn or revenge pornography » dans subjects et « definition » ont été utilisés ;
- la définition du sexting, les mots clés « Sexting » et « definition » dans subjects, ont été utilisés ;
- la vengeance pornographique, les mots clés, « revenge porn » et « adolescents or teenagers or young adults » ainsi que « Non-consensual pornography » et « adolescents or teenagers or young adults » ont été utilisés ;
- le sexting chez les adolescents et jeunes adultes, les mots clés « sexting » et « adolescents or teenagers or young adults » et « violence » dans subjects ont été utilisés.
Les critères d’exclusion
En ce qui concerne les définitions, les articles qui n’abordent pas la définition ont été exclu ;
En ce qui concerne les recherches sur les adolescents et jeunes adultes, les articles ne concernant pas cette population ont été exclu.
Les résultats
Tableau 1. Sélection et exclusion des articles trouvés par l’algorithme de recherche
Thème de la recherche | Mots clés | Résultats | Exclusion |
Définition « revenge porn » | « revenge porn or revenge pornography » dans subjects
+ definition |
7 | 4 * |
Définition « sexting » | « Sexting » + « definition » dans subjects | 2 | 1 ** |
« Revenge porn » chez les adolescents et jeunes adultes
|
« revenge porn » + « adolescents or teenagers or young adults »
« Non-consensual pornography » + « adolescents or teenagers or young adults » |
1
|
|
« Sexting » chez les adolescents et jeunes adultes et violence | « sexting » + « adolescents or teenagers or young adults » + « violence » dans subjects | 13 |
Notes :
-
* = Les articles exclus n’abordent pas le thème de la définition de la vengeance pornographique.
-
** = L’article est exclu car il n’aborde pas la spécificité des adolescents et jeunes adultes.
Tous les articles que nous avons sélectionnés vont être citer au moins une fois dans notre analyse.
Définition des termes de recherche
La définition du sexting
Le sexting est un terme anglais issu de la contraction et l’association des mots « sex » (sexe) et « texting » (l’envoi de message écrit, de texto, via le téléphone portable).
Le sexting a été défini par Chalfen (2009) (cité dans Morelli & al. 2016, p.137) « comme l’échange de contenus sexuellement explicites ou provocants (SMS, photos et vidéos) via smartphone, Internet ou les réseaux sociaux ».
Des deux résultats de recherche (tableau 1) seulement un article présente une revue de littérature sur la définition du sexting. Ainsi dans l’étude de la définition du sexting, les auteurs Barrense-Dias, et al. (2017), indiquent qu’il n’existe pas de définition consensuelle.
Les auteurs analysent plusieurs dimensions qui peuvent différer des 18 études examinées.
Les dimensions composant la définition de sexting sont :
le contenu (texte, image, vidéo, et/ou image). Aucune étude ne mentionnent les messages audios,
les actions (passif : de demander, d’être demandé ou de recevoir ; ou actif : les actions de création, d’affichage, de publication, d’envoi ou de transfert à un tiers). La distinction peut se faire juste sur celui qui envoie, reçoit ou transmet le contenu.
le mode de transmission en ligne, électronique ou virtuel utilisant Internet et/ou des appareils mobiles (par exemple, téléphone mobile, smartphone, ordinateur, etc.) font la distinction des études entre la publication directement à une personne et le publier sur internet.
et les caractéristiques sexuelles sont présentées sous les termes sexuels tels que sexto, sexting, contenu sexy, sexuellement explicite, sexuellement apparenté, sexuellement suggestif ou sexuel. Parfois sont utilisés les termes nu, partiellement ou presque nu.
Les auteurs indiquent que, dans les études examinées, le taux de prévalence d’adolescent ayant déjà réalisé du sexting pouvait varier de 7,6 % à 60 % pour le sexting passif, et de 0,9 % à 27,6 % pour le sexting actif. Ils proposent que ces différences seraient explicables par des différences culturelles ou méthodologiques, mais aussi par l’absence d’une définition claire et universelle.
La définition de la vengeance pornographique ou le revenge porn
Certains auteurs comme Pollack (2016), Šepec et Lango (2020) vont définir la vengeance pornographique comme la diffusion non consensuelle d’images intimes prises avec le consentement d’un individu, mais avec l’attente implicite que ces images resteraient privées.
Mais on peut également trouver des définitions plus larges comme celle de Franks en 2016 qui définit la vengeance pornographique comme « la distribution ou le partage en ligne, parfois hors ligne, non consensuelle, d’images explicites de quelqu’un d’autre par d’anciens partenaires, partenaires, autres ou pirates informatiques cherchant à se venger ou à se divertir – également appelée la pornographie non consensuelle » (cité dans M. Hall and J. Hearn, 2017, p. 159).
Maddocks (2018) indique que la vengeance pornographique est le plus souvent associée « à la fuite d’images privées par un ex-partenaire vengeur » (Maddocks, 2018, p. 346). Le terme est utilisé aussi quand il s’agit d’abus habituel d’images par « des partenaires intimes, des agresseurs sexuels d’enfants, des violeurs et des trafiquants sexuels » (Maddocks, 2018, p. 346). Il serait un outils pour faire changer, contrôler et humilier les victimes ; ou pour « décrire les actions des pirates informatiques qui s’introduisent dans des comptes de stockage de photos, des escrocs qui extorquent des victimes pour de l’argent, et des voyeurs qui capturent secrètement des images en privé et en public » (Maddocks, 2018, p. 347).
Ainsi selon Maddocks, employer les mots « vengeance pornographique » pour « un simple récit d’« ex-petit-ami méprisé » », « suggère que les auteurs ne sont motivés que par la vengeance personnelle et implique que les victimes sont responsables d’avoir poussé les auteurs à se venger. » (Maddocks, 2018, p. 347).
Maddocks (2018) explore d’autres mots proposés dans la littérature scientifique :
- axée sur l’aspect non consensuel : « Non-consensual pornography » ; «Non-consensual dissemination of intimate information, control and manipulation of information, and exposure of intimacy » ;
- axée sur l’impact des victimes : « Image-based sexual abuse » ;
- axée sur la technologie qui facilite la perpétration : « Technology facilitated sexual violence » ;
- axée sur la conduite des agresseur ou le rôle des spectateurs : « Digital rapist, creepshotter and digital voyeur ».
L’auteur souligne que « Indépendamment de leurs termes préférés, toutes les personnes interrogées ont décrit cela comme un préjudice sexiste et facilité par la technologie situé sur un continuum d’abus sexuels » (Maddocks, 2018, p. 352).
Il n’apparaît donc qu’aucune terminologie, définition ne soient consensuelles dans la littérature scientifique, toujours en réflexion.
L’exploration du phénomène de la vengeance pornographique et du sexting chez les adolescents et jeunes adultes
– La vengeance pornographique chez les adolescents et jeunes adulte
Concernant la vengeance pornographique chez les adolescents et jeunes adultes un seul article est apparu dans notre recherche avec les mots clés dans « subjects » : « revenge porn » + « adolescents or teenagers or young adults » ou « non-consensual pornography » + « adolescents or teenagers or young adults ». Le titre est « [Sexting as a risk? : On consensual and non-consensual distribution of personal erotic pictures using digital media] » de Dekker et Thula Koops (2017).
Cet unique article référencé avec les mots clés « vengeance pornographique » et « adolescents » fait le lien avec la pratique du sexting. Cette étude réalisée auprès d’étudiants de 15 universités en Allemagne relève que plus de la moitié des participants ont déclaré avoir envoyé un SMS érotiques, dont 26,8 % des femmes et 16,8 % des hommes, dans la plupart des cas à leur partenaire. Et parmi ces personnes, 2 % ont mentionné que leurs images avaient été transmises à une autre personne sans son consentement.
Une seule étude ne suffit pas à rendre compte de la vengeance pornographique chez les jeunes. C’est pourquoi nous avons choisi d’étendre notre angle d’exploration à la pratique du sexting chez les jeunes.
– La pratique du sexting chez les adolescents et jeunes adultes
Afin d’élargir et de cibler notre étude nous avons effectué une recherche avec les mots clés en tant que « subjects » : « sexting » + « adolescents or teenagers or young adults » + « violence ». Treize articles sont apparus dont celui de Dekker & Thula Koops (2017).
Comme nous l’avons déjà abordé, la prévalence du sexting chez les adolescents diffère selon les études. Van Ouytsel et al. (2018) font part d’une méta analyse à l’échelle internationale. Les résultats indiquent que dans le monde, 14,8 % des jeunes âgés de 12 à 17 ans ont déjà envoyé un sexto et 27,4 % en ont déjà reçu, 12 % ont transféré une photo à connotation sexuelle sans autorisation de la personne visible dessus et que 8,4 % des jeunes ont déjà vu leurs photos transférées sans leur autorisation (dans Van Ouytsel & al., 2018).
Chez les adolescents et jeunes adultes, ce sont les plus âgés qui pratiqueraient plus le sexting (Barrense-Dias, & al. 2017, Van Ouytsel & al. 2018). Ainsi la prévalence du sexting augmente avec l’âge, à mesure que l’activité sexuelle des adolescents augmente. Et la pratique du sexting est en augmentation, comme l’accès des smartphones chez les adolescents (Van Ouytsel & al., 2018). Ainsi selon Van Ouytsel et al., (2018) « Le sexting n’est donc plus un phénomène marginal et peut être considéré comme un moyen, numérique, supplémentaire pour les jeunes de vivre leur sexualité. ».
Le sexting est majoritairement utilisé dans le cadre des relations amoureuses (Barrense-Dias, & al. 2017 ; Dekker & Thula Koops, 2017 ; Van Ouytsel & al. 2018). La plupart du temps la pratique du sexting est liée à des raisons et motivations positives (Barrense-Dias, & al. 2017 ; Dekker & Thula Koops, 2017 ; Van Ouytsel & al. 2018). En effet, le sexting peut être un moyen de flirter, pour exprimer un signe d’amour ou un intérêt sexuel ou sentimental. Et pour les couples d’adolescents cela peut être un moyen de renforcer, ou préserver leur relation intime notamment quand ils sont séparés les week-ends ou durant les vacances scolaires. Cela peut signifier qu’ils sont prêt à initier une relation sexuelle avec leur partenaire. Certains adolescents également l’utilisaient pour palier à l’interdit, lié aux relations sexuelles réelles, dû à leurs convictions religieuses, quand d’autres s’en servent pour plaisanter ou comme un défi par le jeu (Van Ouytsel & al. 2018).
Ainsi la littérature scientifique indique que la pratique du sexting fait partie de pratique sexualisées chez les adolescents et jeunes adultes qui dans la plupart du temps partagent des intérêts et motivations positives.
Toutefois, les risques liés à cette pratique ne sont pas à sous estimer au regard des répercussions négatives graves.
– Les risques liés à la pratique du sexting chez les adolescents et jeunes adultes
Morreli et al. (2017) ont confirmé la présence de deux types différents de sexting : expérimental et aggravé. De nombreuses études indiquent que la pratique du sexting participent aux violences physiques, sexuelles et psychologiques, dans les fréquentations des adolescents (Wolak & al., 2018 ; Morelli & al., 2016a ; Morelli & al., 2016b ; Yoder & al., 2018 ; Drouin & al., 2015 ; Reed & al., 2016 ; Starley & al., 2018 ; Van Ouytsel & al., 2015). Les utilisateurs de sextos dits élevés/modérés ont commis plus de violence dans leurs fréquentations en ligne et hors ligne (Morelli & al. 2016b).
Selon Barrense-Dias, et al. (2017) il n’y a pas de consensus en ce qui concerne les différences entre les sexes. Reed et al. (2016), n’observent pas de différences entre les sexes dans le nombre de comportements d’abus dans la rencontre numérique vécus, mais les femmes signalent plus de réactions hypothétiques négatives aux messages sexuels que les hommes.
D’autres résultats indiquent des différences en fonctions des genres. Selon Morelli et al., (2016b) les hommes pratiquent plus de sexting (que les femmes) ainsi que les non-hétérosexuels (par rapport aux hétérosexuels).
Encore, certaines études indiquent que les filles qui pratiqueraient le sexting seraient traitées plus négativement que les garçons. Et les filles seraient jugées plus négativement lorsqu’elle refuseraient de faire du sexting, en étant considérées comme «des filles gentilles, prudes ou coincées». Le sexting est normé positivement par les jeunes qui le pratiquent, ces derniers seraient plus sensibles à la pression du groupe de pair (dans Van Ouytsel & al., 2018). Dans l’étude de 2017 de Van Ouytsel et al., les résultats indiquent que les filles pouvaient parfois se sentir obligées de se livrer au sexting, principalement par peur de perdre leur petit ami.
Dans cette même étude les adolescents interrogés mentionnent trois principales façons d’abus de sexting : (1) utiliser les sextos pour contraindre ou faire chanter la victime, (2) diffuser le sexto par vengeance après la rupture d’une relation amoureuse, (3) transmettre ou montrer à des pairs le sexto pour se vanter.
Le sexting associé à du chantage appelé sextorsion a fait l’objet d’une étude montrant des résultats similaires. Wolak et al., (2018), indiquent que 60 % des répondants étaient mineurs au moment de la sextorsion et souvent ils connaissaient les auteurs qui étaient leurs partenaires amoureux. Dans 75 % des cas les victimes avaient fourni elles-mêmes les images et 67 % se sont senties obligées de le faire. Plus d’un tiers ont été menacées d’agression physique durant plus de 6 mois. Et 50 % n’a pas parlé de l’incident et peu l’ont signalé à la police où à des sites web. Les auteurs d’actes de violence contre des mineurs (comparé aux adultes) étaient plus enclin à faire pression sur les victimes pour qu’elles produisent des images sexuelles initiales, d’exiger des images supplémentaires, de menacer les victimes durant plus de 6 mois et d’exhorter les victimes à se faire du mal.
Les résultats sont pluriels en ce qui concerne le lien entre le sexting et la santé mentale. Morelli et al., (2016b) ne trouvent pas de différences entre les utilisateurs « élevés » et « faibles/modérés » de sexting concernant la détresse psychologique. L’étude de Klettke et al. (2019) indique qu’il n’y a pas d’association entre la santé mentale et l’envoi ou la réception de sextos en général. Toutefois, le fait de recevoir des textos non désirés et/ou d’envoyer des sextos sous la contrainte, était associé à des symptômes de dépression, d’anxiété, de stress plus élevé et d’une moindre estime de soi.
Des résultats semblables se retrouvent dans l’étude de Drouin et al. (2015) qui ont interrogé 480 jeunes adultes en Inde. Près de un cinquième des participants ont indiqué qu’ils avait envoyé des sextos alors qu’ils ne le voulaient pas. Les participants contraints ont subit des formes de coercition allant de la demande répétée et « se sentir obligé » aux formes plus sévères comme des menaces physiques. Les traumatismes liés à ces actes de coercition, à la fois au moment où ils se sont produits et maintenant (avec le recul), étaient plus importants pour la coercition par sexting que pour la coercition sexuelle physique. Les femmes ont exprimé beaucoup plus de traumatismes maintenant (avec le recul), qu’au moment où les événements se sont produits pour la coercition de sextos. De plus, ceux qui ont connu plus de cas de coercition par sexting ont également éprouvé plus de symptômes d’anxiété, de dépression et de traumatisme généralisé.
Les conséquences sont également sociales (Van Ouytsel & al., 2015) le sexto diffusé à l’insu de la personne peut nuire à la réputation de la victime. Cela constituent un risque potentiel pour la sécurité à l’école.
Dans les articles explorés, d’autres types de risques sont exposés. Nous allons aborder les facteurs qui peuvent influencer les jeunes auteurs de violence en le lien avec la pratique du sexting.
– Les facteurs d’influence auprès des jeunes auteurs de violence en lien avec la pratique du sexting
La lecture des articles éclaire sur les facteurs pouvant influencer les jeunes auteurs de violence via le sexting. Comme cette étude centrée sur des jeunes auteurs de violences (après jugement) (Yoder & al., 2018). Elle révèle que l’adversité domestique et la violence physique au début de la vie étaient associées à du sexting plus fréquent en dehors des relations amoureuses (amis et connaissance). Aussi les motivations émotionnelles et les sextos, d’amis et de connaissances, étaient associés à la violence dans les fréquentations de ces jeunes.
Certains auteurs suggèrent que les stéréotypes de genres jouent un rôle dans l’utilisation du sexting pour exercer de la violence sur autrui (Morelli & al., 2016a, ; Stanley & al., 2018). Morelli et al., (2016a) ont testé le rôle de modération du sexisme bienveillant et hostile dans la relation entre sexting et violence. Ils ont défini deux types de sexting : « Le sexisme hostile (stéréotypes négatifs et préjugés hostiles envers les femmes, les percevant comme inférieures et indignes) et le sexisme bienveillant (stéréotypes positifs qui suscitent des attitudes protectrices et paternalistes envers les femmes) » (Morelli & al., 2016, p.165). Le sexisme bienveillant s’est révélé être un facteur de protection dans cette relation. A contrario, le sexisme hostile est un facteur de risque dans cette relation.
L’enquête de Stanley et al. (2018) dans 5 pays européens, auprès de 4564 jeunes âgés de 14 à 17 ans met en lumière la relation entre le visionnement régulier de pornographie en ligne, la coercition et les abus sexuels et l’envoi et la réception d’images et de messages sexuels. Les taux de visionnage régulier de la pornographie en ligne étaient beaucoup plus élevés chez les garçons, et la plupart avaient choisi de regarder de la pornographie. La perpétration par les garçons de coercition et d’abus sexuels était associée de manière significative à la visualisation régulière de pornographie en ligne. Le visionnement de pornographie en ligne était également associé à une probabilité considérablement accrue d’avoir envoyé, des images ou des messages sexuels, pour les garçons dans presque tous les pays. De plus, les garçons qui regardaient régulièrement de la pornographie en ligne étaient beaucoup plus susceptibles d’avoir des attitudes négatives envers le genre. Les entretiens qualitatifs ont montré que, bien que le sexto soit normalisé et perçu positivement par la plupart des jeunes, il a le potentiel de reproduire des caractéristiques sexistes de la pornographie, telles que le contrôle et l’humiliation.
Conclusion
Il existe peu d’articles spécifiques à la vengeance pornographique chez les adolescents et jeunes adultes. C’est en explorant la pratique du sexting que l’on trouve ensuite des résultats sur les usages et les violences possibles qui en découlent. Le fait qu’il n’existe pas de consensus sur les définitions de sexting et de vengeance pornographique, rend le taux de prévalence difficile à cerner. Ainsi, la pratique du sexting semble peu répandue chez les adolescents et les jeunes adultes. Cependant sa pratique normalisée dans cette population serait une façon d’explorer sa sexualité, et cela semble bien perçu par la majorité d’entre eux. Tout en étant un médian permettant d’exercer des violences physiques, psychologiques et sexuelles. Les conséquences de la vengeance pornographique peuvent être graves tant sur un plan psychologique que social, et cela bien après les faits. En France, le renverge porn est sanctionné pénalement (voir annexe).
Les pistes de préventions peuvent s’axer sur la déconstruction des stéréotypes de genre (Morelli & al., 2016a), et sur l’éducation sexuelle et relationnelle afin de promouvoir une compréhension critique de la pornographie parmi les jeunes, pour qu’ils reconnaissent ses valeurs abusives et sexistes (Stanley & al., 2018).
Il serait pertinent de former des acteurs clés comme les infirmière scolaires, qui agissent déjà sur d’autres types de comportement à risque chez les adolescents, afin de déclencher la première intervention lorsqu’un épisode de sexting survient. (Van Ouytsel & al., 2015). Enfin, il serait nécessaire d’explorer d’autres types de prévention, auprès des adolescents, des parents et professionnels avec une définition de la vengeance pornographique globale en y intégrant les risques de cyberattaques.
Références
Bien que le cadre du mémoire demandait une page de référence, l’exercice de revue de littérature que nous avons choisi nécessite de sortir légèrement du cadre demandé.
Barrense-Dias, Y., Berchtold, A., Surís, J.-C., & Akre, C. (2017). Sexting and the definition issue. Journal of Adolescent Health, 61(5), 544‑554.
Dekker, A., & Thula Koops. (2017). [Sexting as a risk? : On consensual and non-consensual distribution of personal erotic pictures using digital media]. Bundesgesundheitsblatt, Gesundheitsforschung, Gesundheitsschutz, 60(9), 1034‑1039.
Drouin, M., Ross, J., & Tobin, E. (2015). Sexting : A new, digital vehicle for intimate partner aggression? Computers in Human Behavior, 50, 197‑204.
Hall, M., & Hearn, J. (2019). Revenge pornography and manhood acts : A discourse analysis of perpetrators’ accounts. Journal of Gender Studies, 28(2), 158‑170.
Klettke, B., Hallford, D. J., Clancy, E., Mellor, D. J., & Toumbourou, J. W. (2019). Sexting and Psychological Distress : The Role of Unwanted and Coerced Sexts. Cyberpsychology, behavior and social networking, 22(4), 237‑242.
Maas, M. K., Bray, B. C., & Noll, J. G. (2019). Online Sexual Experiences Predict Subsequent Sexual Health and Victimization Outcomes Among Female Adolescents : A Latent Class Analysis. Journal of youth and adolescence, 48(5), 837‑849.
Maddocks, S. (2018). From Non-consensual Pornography to Image-based Sexual Abuse : Charting the Course of a Problem with Many Names. Australian Feminist Studies, 33(97), 345‑361. https://doi.org/10.1080/08164649.2018.1542592Pollack, J. M. (2016). Getting Even : Empowering Victims of Revenge Porn with a Civil Cause of Action. Albany Law Review, 80(1), 353‑380.
Morelli, M., Bianchi, D., Baiocco, R., Pezzuti, L., & Chirumbolo, A. (2016a). Not-allowed sharing of sexts and dating violence from the perpetrator’s perspective : The moderation role of sexism. Computers in Human Behavior, 56, 163‑169.
Morelli, M., Bianchi, D., Baiocco, R., Pezzuti, L., & Chirumbolo, A. (2016b). Sexting, psychological distress and dating violence among adolescents and young adults. Psicothema, 28(2), 137‑142.
Morelli, M., Bianchi, D., Cattelino, E., Nappa, M. R., Baiocco, R., & Chirumbolo, A. (2017). Quando il Sexting diventa una forma di violenza? Motivazioni al sexting e dating violence nei giovani adulti = When sexting becomes a kind of violence? Sexting motivations and dating violence among young adults. Maltrattamento e Abuso All’Infanzia: Rivista Interdisciplinare, 19(3), 49‑68.
Pollack, J. M. (2016). Getting Even : Empowering Victims of Revenge Porn with a Civil Cause of Action. Albany Law Review, 80(1), 353‑380.
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Šepec, M., & Lango, M. (2020). Virtual Revenge Pornography as a New Online Threat to Sexual Integrity. Balkan Social Science Review, 15(15), 117‑133.
Smith-Darden, J. P., Kernsmith, P. D., Victor, B. G., & Lathrop, R. A. (2017). Electronic displays of aggression in teen dating relationships : Does the social ecology matter? Computers in Human Behavior, 67, 33‑40.
Stanley, N., Barter, C., Wood, M., Aghtaie, N., Larkins, C., Lanau, A., & Överlien, C. (2018). Pornography, sexual coercion and abuse and sexting in young people’s intimate relationships : A European study. Journal of Interpersonal Violence, 33(19), 2919‑2944.
Van Ouytsel, J., Van Gool, E., Walrave, M., Ponnet, K., & Peeters, E. (2017). Sexting : Adolescents’ perceptions of the applications used for, motives for, and consequences of sexting. Journal of Youth Studies, 20(4), 446‑470. https://doi.org/10.1080/13676261.2016.1241865
Van Ouytsel, J., Walrave, M., & Ponnet, K. (2018). Le sexting chez les adolescents : Opportunités et risques. NEURONE, 23(5), 14‑17.
Van Ouytsel, J., Walrave, M., Ponnet, K., & Heirman, W. (2015). The association between adolescent sexting, psychosocial difficulties, and risk behavior : Integrative review. The Journal of school nursing : the official publication of the National Association of School Nurses, 31(1), 54‑69.
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Yoder, J., Hansen, J., & Precht, M. (2018). Correlates and outcomes associated with sexting among justice involved youth : The role of developmental adversity, emotional disinhibitions, relationship context, and dating violence. Children & Youth Services Review, 94, 493‑499.
Annexe : que dit le code pénal français concernant la vengeance pornographique ?
La vengeance pornographique et la loi en France (selon le site e-enfance.org, 2020) : « L’article 67 de la loi du 7 mars 2016 pour une République numérique (dite Loi Lemaire) est venu approfondir le code pénal en créant, sous les articles 226-1 et 226-2 (délit d’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée par transmission de propos tenus en privé ou par captation et diffusion d’image), un nouvel article 226-2-1 qui renforce les sanctions pénales dans les cas spécifiques de contenus à caractère sexuel.
L’infraction de « Revenge Porn » est ainsi régie par l’article 226-2-1 du Code pénal comme suit : « Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1. »Ainsi, le caractère sexuel des contenus est une circonstance aggravante puisque le délit passe dans ce contexte d’un à deux ans de prison, et de 45 000 à 60 000 € d’amende. La loi punit l’infraction de « Revenge Porn » indépendamment du point de savoir si la personne a donné son consentement à l’enregistrement initial de la vidéo ou des images. Le seul fait que la diffusion, notamment sur le réseau Internet, ait lieu sans le consentement de la personne suffit. »
Enfin, une photo ou vidéo présentant un caractère sexuel d’une personne mineur pourrait caractériser l’infraction de pédopornographie incriminée par l’article 227-23 du Code pénal.