Michèle Créoff
- Vice-présidente du Conseil National de la Protection de l’enfance de 2016 à 2019
Depuis près de 30 ans, le dispositif de protection de l’enfance a été réformé en profondeur par trois fois successives ; la loi du 9 Juillet 1989, la loi du 5 mars 2007, la loi du 14 Mars 2016.
Cette évolution traduit les difficultés du législateur à organiser une mission complexe, obligatoire, à la croisée des compétences régaliennes de l’Etat et des politiques décentralisées de l’action sociale.
La mission de protection de l’enfance est un objet politique singulier, constitué de tensions fortes qui nécessiterait des cadres symboliques affirmés et pourtant évolutifs.
Des tensions structurelles
La première des tensions découle naturellement de la thématique de la mission de protection de l’enfance. Ce dispositif a pour objet d’intervenir au sein des familles pour protéger le membre de celle-ci le plus vulnérable, l’enfant. Protéger cet enfant, c’est traiter de phénomènes symboliquement, anthropologiquement tabous : inceste, infanticide, abandon, prostitution d’enfant, violences et négligences graves, folie… Autant de réalités douloureuses qui provoquent le déni, la sidération, qui entravant le discours politique, dans son rôle d’explication du consensus social et du cadrage de ce consensus.
Face à cette tension structurelle, le législateur a le plus souvent choisi de sauvegarder le déni.
La France est particulièrement pauvre en données statistiques sur le phénomène de violences intrafamiliales commises à l’encontre des enfants. Par exemple, nous sommes incapables de connaitre le nombre d’enfants décédés dans le cadre de violences intrafamiliales. Nous connaissons encore moins statistiquement les phénomènes de reproduction de ces violences.
Il ne s’agit pas d’une incompétence, d’une incapacité de nos organismes statistiques, mais d’un refus de savoir, d’une absence de consignes et d’organisation de la remontée de ce type d’information.
Mieux vaut ne pas savoir que d’être obligé de choisir une politique en fonction d’une réalité terrible ; car choisir, c’est peut être questionner une idéologique familialiste très opérante en matière de protection de l’enfance.
La déclaration des droits de l’homme de l’ONU présente la famille comme l’unité de base de toute organisation sociale.
Cet horizon indépassable est devenu le socle d’une croyance ancrée, que la pire des familles est préférable à l’absence de famille. Ainsi, toute organisation de suppléance familiale longue est considérée comme suspecte et synonyme d’échec de la mission protectrice de la société.
Cette croyance ne peut évidemment se maintenir durablement que si le déni sur le nombre et la dangerosité des graves dysfonctionnements familiaux est cultivé.
Je peux ainsi évoquer « une sacralisation de la famille » qui construit structurellement la réponse à cette tension thématique.
La mission protection de l’enfance est également une résolution d’un conflit de droits aussi légitimes les uns que les autre, ce qui nécessite le choix par le législateur de critères permettant de résoudre ce conflit.
Conflit entre le droit de l’enfant, à la protection, à la vie, à la santé, à la satisfaction de ses besoins et entre le droit des parents à exercer librement leur autorité parentale, à leur vie privée.
La nature différente des droits aurait pu permettre la priorisation de ceux-ci. En effet, le droit de l’enfant à sa protection est un droit inviolable, absolu, prévu dans le CIDE, norme juridique internationale supérieure.
L’exercice de l’autorité parentale est un droit fonction. Ce droit existe au bénéfice d’un tiers, l’enfant, et non pour l’intérêt de ses titulaires, les parents. Il s’agit donc d’un droit relatif.
Cependant, le droit de vivre en famille, considérée comme un droit fondamental, tant par le CIDE pour l’enfant, que par la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour les parents, vient recouvrir le concept d’exercice d’autorité parentale.
Ainsi, le droit de l’enfant à la protection et le droit de vivre en famille pour lui et ses parents, sont des droits de nature juridique équivalente.
Il est nécessaire que le législateur définisse précisément ce qui doit permettre de privilégier l’exercice de l’un sur l’autre. Il lui revient donc de faire un choix, de nommer les conditions de ce choix dans une démarche démocratique d’élaboration de la loi et donc de régulation de la tension.
Des tensions organisationnelles
Ces tensions structurelles sont renforcées dans le dispositif de protection de l’enfance par des tensions organisationnelles liées à la décentralisation de la protection de l’enfance par les lois de 1983 puis 1986.
En confiant aux départements la mission de protection de l’enfance comme une déclinaison à peine spécifique de la mission d’action sociale, le législateur a négligé la dimension régalienne de la protection de l’enfance et particulièrement la mission de protection dans les situations de violence, de carence et de négligences graves.
Ainsi, l’organisation et le financement du dispositif de protection de l’enfance se sont inscrits dans une exception aux principes fondamentaux de la décentralisation, créant ainsi une tension organisationnelle forte.
Deux principes s’articulent, construisant la base de l’exercice des compétences décentralisées : le principe de liberté d’administration des collectivités territoriales et le principe du « qui décide, paie ».
En matière de protection de l’enfance, ces deux principes sont inapplicables.
Il est périlleux, alors que la vie d’enfant est en danger, d’admettre que chaque département organise comme il le souhaite, le recueil des informations graves et urgentes, dont la connaissance et la prise en compte permettraient de sauver cet enfant.
Près de 80% des mesures de protection de l’enfance sont des mesures judiciaires et toutes les mesures d’assistance éducatives sont financées à 100% par le département.
En bref, le juge décide, le département paie.
Cette tension organisationnelle va devoir se justifier. Ainsi, depuis la décentralisation, nous assistons, comme illustration ou complément du déni initial, à une euphémisation de la mission du dispositif de protection de l’enfance.
La redéfinition des missions de protection de l’enfance comme une politique d’action sociale locale, dont les causes et les réponses résideraient dans les conditions de vie socio-économiques et leur amélioration au niveau local. L’apport de logement, d’emploi, le renforcement des solidarités familiales, de voisinage, du soutien des services publics et des associations, dans une politique de développement social local, seraient l’alpha et l’oméga de la politique décentralisée de protection de l’enfance.
Tout ce qui vient contredire ce diagnostic et réaffirmer la spécialité de la protection de l’enfance et démontrer au sens littéral du terme, l’exception que recouvrent les situations de protection de l’enfance est difficilement pris en compte. Car débarrassée de ces phénomènes « tabous », la mission devient une suite de programmes sociaux dont la déclinaison individuelle peut être « contractualisée » avec la famille en dehors de toute action judiciaire.
La déjudiciarisation de la protection de l’enfance permet ainsi de régler la tension organisationnelle liée au non-respect du principe de décideur /payeur.
La notion de contractualisation de l’accompagnement renforce l’alignement du dispositif de protection de l’enfance sur les autres dispositifs d’action sociale, notamment les dispositifs d’insertion.
Ainsi, le soutien de la fonction parentale est pensé et organisé comme une « branche » particulière d’une démarche d’insertion.
Cependant, la notion de contrat se heurte rapidement à la réalité des forces en présence. Il ne s’agit aucunement d’un contrat ou les parties en présence sont à égalité. Il s’agit au mieux d’un contrat d’adhésion (comme les contrats d’assurance automobile ), au pire d’un contrat forcé, d’un contrat sous contrainte.
Mais là encore, l’habillage juridique des relations entre les parents et le service de protection de l’enfance entretient l’illusion et permet de revendiquer le pilotage du dispositif de protection de l’enfance par le département, pas seulement au nom des budgets engagés, mais aussi au nom de « la relation » à l’usager.
Depuis la promulgation des lois du 5 Mars 2007, ces tensions organisationnelles sont complétées par des tensions conjoncturelles qui à terme vont se rigidifier.
Le gouvernement de l’époque va proclamer et mettre en scène, d’une part, une méfiance accrue à l’égard des juges et d’autre part, une politique sécuritaire renforcée à destination des jeunes délinquants et ainsi tenter d’organiser la primauté de la réponse pénale.
Les trois lois du 5 Mars 2007, relatives à la protection de l’enfance, à la prévention de la délinquance juvénile, à la réforme de protection des incapables majeurs, s’organisent autour des mêmes principes :
- Renforcement des pouvoirs des collectivités territoriales (commune : pour la loi sur la prévention de la délinquance, département : pour la loi des incapables majeurs et la protection de l’enfance)
- Affaiblissement du rôle de l’autorité judiciaire dans les matières civiles de protection des personnes les plus vulnérables.
- Prépondérance donnée à la réponse pénale en matière de mobilisation de l’autorité judiciaire. Cette réorientation nécessite, à moyens constants, que les juges pour enfants soient principalement chargés de « juger » les mineurs délinquants.
De même, la réponse judiciaire dans les situations de maltraitance à enfants s’énonce principalement dans la mise en œuvre des investigations policières et judiciaires à l’encontre des parents ayant commis une infraction à l’encontre de leur enfant.
Sur le plan budgétaire, la dégradation continue des marges de manœuvre budgétaire des départements, ainsi que les propositions de réformes institutionnelles pronostiquant leur disparition renforcent la revendication des départements à contrôler directement et effectivement l’évolution de leurs dépenses de protection de l’enfance et l’organisation du dispositif.
La crise de la prise en charge des mineurs isolés étrangers vient encore impacter cette organisation bicéphale du dispositif de protection de l’enfance, durcissant les positions de chacun, organisant une concurrence entre départements, mettant à dure épreuve le concept de territorialisation de la protection de l’enfance fondant la compétence départementales.
Les tensions professionnelles
Bien évidemment, lorsqu’une politique publique conjugue des tensions structurelles et organisationnelles aussi fortes, les pratiques professionnelles sont impactées en terme de sens et de construction de références communes et de langage commun permettant de construire une cohérence de pratique vis-à-vis de bénéficiaires.
L’étude sur l’évaluation des situations de maltraitances, » Maltraitances en 2013 : comprendre les évolutions pour mieux y répondre » de l’ONPE permet de mieux comprendre ces tensions professionnelles. Cette étude relève ainsi la faiblesse des savoirs relatifs à la maltraitance chez les professionnels chargés des évaluations, une position évaluative qui questionne. Basée plus particulièrement sur la rencontre avec la famille, cette technique d’évaluation s’explique par les valeurs structurant le travail social ; « le faire avec, partir du discours de l’usager etc. Ce qui restreint les éléments recueillis dans une démarche qui devrait être celle de l’investigation, de l’observation et de la vérification des informations. En conséquence, l’évaluation aboutit le plus souvent à un exposé d’impressions avec une difficulté à caractériser précisément le danger et donc les moyens d’en protéger l’enfant. Il s’agit plus d’un objectif d’alliance avec la famille que d’une évaluation stricto sensu du danger. L’étude conclut à l’inadéquation du paradigme de l’aide dans ce domaine spécifique de l’évaluation des situations de maltraitances. Contrairement aux attentes des travailleurs sociaux, les familles ne sont pas encore ouvertes à une « aide », précisément parce que celle-ci vient mettre en question un fonctionnement parental intime et chronicisé qui nécessiterait un travail considérable et douloureux pour être transformé.
C’est donc dans ce contexte tendu, verrouillé, que les antagonistes s’aiguisent, que les instances de régulation et de coordination s’épuisent à rendre fluide ce qui est de plus en plus opposé et que la crise survient.
La crise apparaît le plus souvent par la médiatisation d’un fait divers dramatique, remettant sur le devant de la scène le phénomène dénié, tabou. Il s’agit le plus souvent d’une mort d’un enfant très jeune ou de viols aggravés. Les médias se font l’écho des émotions de la société civile, cherchant des réponses à l’irruption inadmissible du drame, cherchant des responsabilités, des coupables.
L’efficacité du dispositif de protection de l’enfance est ainsi questionnée, au regard de sa capacité à empêcher des drames, notamment dans les cas où la situation était connue par les services départementaux et judiciaires.
A cette occasion, les pouvoirs publics vont revisiter les dispositions législatives.
La loi du 5 Mars 2007 relative à la protection de l’enfance
L’économie de la loi du 5 Mars 2007 est significative de cette gestion de tensions.
Cette loi fixe dans son article 1, les missions de protection ; « le but de la protection de l’enfance est de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives, d’accompagner les familles et d’assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs ».
Ainsi, la loi définit dans un premier temps, une mission préventive large regroupant la quasi-totalité des accompagnements des familles, en deuxième temps, la mission de prise en charge n’est énoncée que comme secondaire, sans nommer le critère de mise en œuvre de cette prise en charge, à savoir le danger que court l’enfant au domicile familiale. Et c’est bien ce danger qui légitime l’intervention de la puissance publique administrative ou judiciaire au sein de l’intimité des familles.
La mission de protection de l’enfance était ainsi largement définie. Il devenait simple, presque naturel, de considérer que l’intervention judiciaire n’interviendrait qu’après l’intervention administrative.
La loi du 5 Mars 2007 organise ainsi la déjudiciarisation du dispositif de protection de l’enfance.
Les critères de signalement à l’autorité judiciaire par le Président du Conseil départemental sont très précisément et restrictivement définis pour limiter au maximum le recours à l’autorité judiciaire.
Trois critères sont fixés :
- L’inefficacité des mesures administratives précédentes pour atténuer le danger encouru par l’enfant.
- Le refus ou l’impossibilité de la famille à collaborer avec le service de l’ASE ;
- L’impossibilité pour l’ASE d’évaluer la situation.
La circulaire de Juillet 2010 du Ministère de la Justice vient encore renforcer ces critères, en spécifiant clairement que même dans les situations de danger grave et immédiat, l’administration départementale doit proposer une action administrative contractualisée avec les parents.
Le législateur fait disparaître le terme de maltraitance comme définition d’un danger qui obligeait le département, dans le cadre de la loi de Juillet 1989, à saisir le Procureur de la République. (Peut on éliminer le problème en refusant de le nommer ? )
La loi du 5 Mars 2007 présente le département comme l’autorité responsable de la cohérence et de la continuité des mesures et des parcours. Il convenait donc, pour que ce rôle soit possible, que ces mesures soient principalement des mesures administratives.
La nature de ces mesures justifiant ainsi leur financement, régulant ainsi partiellement la tension organisationnelle de l’opposition du décideur et du payeur.
C’est bien le sens, à mon avis, qu’il faut donner aux positions constantes du Sénat (Chambre représentant les collectivités locales) sur les textes relatifs à la protection de l’enfance.
Plus schématiquement :
La loi du 5 Mars 2007 va également instituer l’obligation pour les départements d’organiser une cellule de recueil des informations préoccupantes, de manière à instaurer un circuit unique de transmission et de réception des informations relatives au danger encouru par l’enfant au sein de sa famille. Organisation sécurisant le circuit et l’harmonisant sur l’ensemble du territoire français ce qui est presqu’établi sur l’ensemble des départements, même si les organisations de cette cellule divergent quelque peu. Cette loi définit aussi les principes d’action de la prise en charge et ses modalités à travers l’obligation d’instaurer pour chaque enfant accueilli un projet de prise en charge, fixant des objectifs et élaboré en concertation avec les parents et l’enfant. Plus de 10 ans, cette obligation n’est toujours pas respectée dans l’ensemble des départements.
La loi de 2007 définit que les bénéficiaires du dispositif de protection de l’enfance sont à la fois l’enfant et les parents, même s’il peut paraitre compliqué d’accompagner et les uns et les autres. L’article 1 de cette loi prévoit que l’intérêt de l’enfant est le critère déterminant du choix, si l’intérêt de l’enfant et celui des parents divergent. Encore faut-il clarifier ces notions et savoir reconnaitre l’intérêt de l’enfant dans l’ensemble des interactions familiales.
Par ex, il n’est pas rare, lors de l’accueil d’un très jeune enfant, que l’acceptation d’une famille d’accueil par les parents, soit le premier critére retenu, alors qu’il est régulièrement démontré que la stabilité de la figure maternante et des soins est primordiale pour le développement du nourrisson. Pour autant, nombre de très jeunes enfants sont orientés et maintenus en pouponnière, au motif que le refus parental d’une famille d’accueil, potentiellement rivale est privilégié.
La question de la différence des temporalités entre les capacités des parents à modifier leurs comportements et leurs affects et le respect du développement de l’enfant dans les différents stades de sa construction affective, cognitive, physique est très largement sous-estimée, quand il s’agit de définir l’intérêt de l’enfant.
Cette dualité de bénéficiaires produit ainsi une complexité des modalités de la prise en charge. Comme si chacun devait y trouver son compte. La multiplication des visites parentales, médiatisées ou non, des hébergements familiaux différents si les parents sont séparés et si chaque grand-parent y prétend, rendent totalement incompréhensible le projet d’accueil de l’enfant et même la séparation. L’enfant vit une existante erratique, sans lieu ni liens pour se construire. Ainsi, la loi énonce les principes de cohérence et de continuité, de maintien des liens affectifs construits pendant les accueils, la non séparation des fratries, tout en multipliant les dispositifs d’accueils partiels, séquentiels, spécialisés, dans un projet qui se doit être fortement individualisé. Ainsi, il n’est pas rare que ces prescriptions deviennent contradictoires, lorsqu’elles sont déclinées dans les projets individuels et que l’intérêt de l’enfant et des parents doivent être satisfaits. L’enfant, déjà fortement perturbé, doit toujours s’adapter à des séquences et des protagonistes divers.
Ce n’est pas la diversité et la richesse des modalités de prise en charge qui pose question, mais bien l’insuffisance de définition, voire l’inexactitude du contenu de la mission de protection de l’enfance qui empêche de construire des priorisations consensuelles entre tous les acteurs.
La loi du 14 Mars 2016
L’affaire Marina, fillette de 8 ans, décédée après plusieurs années de maltraitance, malgré des interventions départementales et judiciaires a mis en exergue les limites de la déjudiciarisation du dispositif prévues par la loi de 2007 et les dangers encourus par les enfants si ce principe était appliqué à la lettre
Aussi, à partir d’une proposition de loi déposée par deux sénatrices, Mesdames Dimi et Meunier,le gouvernement a organisé une large concertation pour tenter de construire un consensus sur le sens et l’organisation de la protection de l’enfance.
La nouvelle réforme s’articule autour de 3 axes:
- Constructions de définitions et d’un pilotage national
- Recentrage du dispositif sur les besoins fondamentaux de l’enfant
- L’adaptation du statut juridique de la suppléance parentale à la réalité de la prise en charge de l’enfant et des possibilités d’évolutions des comportements parentaux.
Cette nouvelle loi institue un Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), de manière à disposer d’une instance chargée de la cohérence conceptuelle et organisationnelle du dispositif décentralisé.
Le texte remanie fortement la définition de la mission de protection de l’enfant, mettant les besoins de l’enfant et leur satisfaction au cœur de la mission : “La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé,sa sécurité,sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits.” L’enfant devient ainsi le premier bénéficiaire du dispositif de protection de l’enfance.
De même, ce texte prévoit un nombre important de dispositions qui seront fixées par décret permettant ainsi l’harmonisation des pratiques territoriales, en construisant une logique forte basée sur le parcours de l’enfant. Le projet pour l’enfant est redéfini, il devient le document pivot de la prise en charge, ses modalités d’élaboration, de communication, de mise en œuvre sont décrétées règlementairement dans une définition très précise énoncée par la loi.
La marge de manœuvre laissée à l’échelon départemental est donc fortement encadrée par la règlementation. Je citerai pour illustrer cette évolution la définition de l’évaluation de l’information préoccupante, l’identité du référent dans le projet pour l’enfant, la motivation par le juge pour enfants des visites médiatisées, la redéfinition du référentiel relatif au projet pour l’enfant, la composition et le fonctionnement de la commission de révision des statuts juridiques de l’accueil de l’enfant, le référentiel relatif au contenu et à l’élaboration des rapports sociaux- éducatifs, etc.
La loi du 14 Mars 2016 reconnait de nouveau la notion de maltraitance et revient sur la déjudiciarisation, principe phare de la loi de 2007. Ainsi le président du conseil départemental devra de nouveau saisir l’autorité judiciaire, dans les situations de danger grave et immédiat, notamment dans les situations de maltraitance.
Enfin la loi s’intéresse au statut juridique du confiement de l’enfant, afin de différencier les situations où un retour en famille est envisageable à court ou moyen terme, de celles où la suppléance parentale doit s’organiser sur le long terme, au vu des incapacités parentales durables, voire définitives. Les départements devront mettre en place une commission pluridisciplinaire et pluri institutionnelle, chargée d’examiner ces situations. De même lorsque la durée d’un placement est supérieure à deux ans, le service de l’ASE examine l’opportunité d’un autre statut que celui de l’assistance éducative et en informe le juge pour enfant.
Ce texte a également été l’occasion de réintroduire une définition pénale de l’inceste, en précisant la qualité et le rôle de l’auteur de l’infraction auprès du mineur (ascendant, frère, sœur, oncle, tante, neveu, nièce, conjoint, concubin, partenaires d’une de ces personnes, dés lors qu’elle exerce une autorité de droit ou de fait sur le mineur).
L’enfant a retrouvé sa place au cœur du dispositif de protection de l’enfance, à charge pour tous les acteurs de privilégier celle-ci pour dépasser les tensions toujours à œuvre.