A l’issue du colloque du 30 septembre 2014 à la Sorbonne, organisé par le Laboratoire d’Ethique Médicale et de Médecine Légale de la Faculté de Médecine, sous le titre “Dialogue université – Associations pour des propositions effectives contre la maltraitance à enfant”, un groupe de travail interdisciplinaire et interinstitutionnel s’est réuni pour proposer au gouvernement les 26 propositions suivantes.
Le groupe de travail est composé de membres venant d’horizons divers et représentant les divers acteurs :
Les universités
- Paris Sorbonne Nouvelle
- Faculté de Médecine Paris-Descartes : M. le Professeur Christian HERVE
Les Associations :
- Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV)
- L’Eléphant Vert
- L’enfant d’Abord
- L’Enfant Bleu
- Enfance Majuscule
- Enfance et Partage
- L’innocence en Danger
- La Voix de l’Enfant
- Vendômoise pour la Protection de l’Enfance
- Victimes d’Inceste (AIVI)
Les Experts :
- BERGER Maurice – Pédopsychiatre
- BENKEMOUN Jean-Marc – Pédopsychiatre, Médecin légiste
- LOPEZ Gérard – Pédopsychiatre, Médecin expert – Institut de Victimologie
Les Avocats :
- Maître COSTANTINO Rodolphe
- Maître MATHIOUDAKIS Marie Hélène
- Maître ROBILLIARD-LASTEL Brigitte
Les Associations habilitées :
- GHOZLAN Eric – OSE
- PINEAU Jean – Jean-Coxtet
Les Services des Conseils généraux :
- CREOFF Michèle
Les propositions du groupe de travail se déclinent en 4 thématiques recouvrant l’ensemble du domaine de la protection de l’enfance, aussi bien les réponses civiles que les poursuites pénales.
THEMATIQUE 1 : FONDEMENTS ET ORGANISATION DU DISPOSITIF NATIONAL
1 – Nouvelle rédaction de l’article 1 de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance :
“La mission du dispositif de protection de l’enfance est d’assurer en tous lieux et à tout instant, la protection du mineur en danger dans son milieu de vie”, en garantissant la primauté de son intérêt supérieur.
Dans les articles du Code Civil, article 375 et suivants : le terme “mesures d’assistance éducative” est remplacé par le terme “mesure de protection”.
2 – Nouvelle rédaction des critères de saisine de l’autorité judiciaire par le Président du Conseil général – Loi du 5 mars 2007 :
“Dans les situations de danger grave et immédiat, notamment les situations de maltraitance avérée ou supposée et dès lors que le développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant est gravement compromis ou à fort risque d’être gravement compromis, le Président du Conseil général doit saisir, sans délai, le Procureur de la République”.
Organisation du pilotage national :
3 Création d’un comité national de la protection de l’enfance :
Ce comité ne doit pas être une strate supplémentaire dans un mille feuilles institutionnel déjà confus (ONED, ODAS, Haut-Commissariat à la Famille, Haute Autorité de Santé,
ANESIL, …), mais devenir l’institution de référence dans l’organisation, le pilotage, l’analyse et l’évaluation du dispositif de protection de l’enfance. Il doit faire autorité, ce qui implique que sa composition doit être représentative de tous les acteurs et courants de pensée.
Une conférence de consensus doit définir les critères de sélection des membres du comité national à partir de critères de représentativité, de fonction, et pour les chercheurs et experts à partir de leurs travaux et de leurs activités réelles dans ce domaine.
Les missions de ce comité national seront également d’organiser et de valider l’élaboration de référentiels nationaux. Cette action devrait limiter autant que possible les trop grandes disparités territoriales dans le mise en œuvre de la protection des enfants.
– Référentiel national d’évaluation des informations préoccupantes.
– Référentiels cliniques d’indicateurs de séparations parents-enfants.
– Référentiels de l’expertise et du recueil de la parole de l’enfant. Ces référentiels devant également définir les diplômes et les activités permettant d’être désigné expert, notamment en rendant obligatoire la possession du diplôme de pédopsychiatre ou de psychologue. Ces référentiels doivent également définir les modalités de l’expertise, notamment en rendant obligatoire la rencontre avec le mineur.
– Référentiel du contenu de la formation obligatoire décrite dans la thématique 2 décrivant les besoins fondamentaux de l’enfant variables selon l’âge et qui doivent être satisfait pour que le développement de l’enfant ne soit pas compromis.
– Avis techniques sur les différentes interprétations et théories en protection de l’enfance
(ex. : syndrome d’aliénation parentale) qui sont mobilisées auprès des instances administratives et judiciaires.
4 Création de centres de référence médico judiciaire dans chaque département :
Un centre d’évaluation des situations de maltraitance et de recueil de la parole de l’enfant sera institué dans chaque département au sein d’un centre hospitalier. Ce centre aura pour mission, mandaté soit par l’autorité administrative (CG), soit par l’autorité judiciaire, d’évaluer dans toutes leurs composantes les situations de maltraitances commises sur des mineurs.
Il dispose d’équipes pluridisciplinaires (pédopsychiatre, pédiatre, médecin légiste, psychologue, travailleur social). Il comprend si nécessaire des lits d’hospitalisation. Il est cofinancé par l’Etat, l’Assurance Maladie et le Conseil général.
5 Création d’un outil national statistique
La statistique nationale de la protection de l’enfance devra agréger l’ensemble des données existantes (Département, Police, Gendarmerie, santé, chiffres judiciaires) pour produire annuellement une photographie réelle de la situation des enfants en danger (nombre, motifs, prise en charge, …).
Recenser les nombreux travaux validés scientifiquement et les porter à la connaissance des acteurs.
Développer des programmes de recherche.
THEMATIQUE 2 : FORMATION DES ACTEURS – SENSIBILISATION DU PUBLIC
6 – Développer au niveau national la formation obligatoire en protection de l’enfance dans le cadre des diplômes professionnalisant (Educateur Spécialisé, Assistante Sociale, Psychologue, Infirmier, Médecin, Puéricultrice, Policier, Magistrat, …) et dans le cadre de la formation continue sur le mode du développement professionnel continu ou des diplômes de secouriste ré-actualisables tous les 5 ans. Travailler sur des contenus spécifiques et spécialisés en protection de l’enfance ; bases sur les définitions et outils communs et pluridisciplinaires établis par la conférence de consensus et validés par le CNPE. Au niveau national, une spécialisation en protection de l’enfance devrait être proposée à l’université pour les intervenants en protection PE (ASE, SAH, Magistrats, Police, Gendarmerie….).
7 – Le comité national de protection de l’enfance devra organiser régulièrement des campagnes de sensibilisation du public pour rappeler les obligations de chacun et la vigilance de tous.
THEMATIQUE 3 : EVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DES ENFANTS CONFIES
8 – Faciliter la mise en œuvre de dispositifs alliant le soin et l’éducatif, en levant les freins juridiques et financiers :
Ainsi, un projet de soins psychiques doit être systématiquement envisagé lors de la prise en charge des mineurs victimes de maltraitance. Ce projet de soins doit être pris en charge par l’Assurance Maladie, dans toutes ses composantes, par ex. psychothérapies par des psychologues, après validation du projet de soins par un médecin pédopsychiatre. Ce dispositif devra également s’appliquer aux mineurs auteurs, conformément à l’esprit de l’ordonnance de 1945.
9 – Assurer, sauf contre-indication relative à la protection du mineur, la continuité de l’accueil de l’enfant dans son milieu d’accueil (famille d’accueil, structures collectives, …), afin d’éviter les ruptures répétées, nocives au développement de l’enfant.
10 – Obligation d’une prise en charge des jeunes à l’Aide Sociale à l’Enfance jusqu’à 21 ans, dès lors que cette prise en charge est nécessaire pour les jeunes accueillis pendant leur minorité. Créer un service de suite pour les jeunes sortant de l’ASE 21/25 ans, dès lors qu’aucun autre dispositif de solidarité nationale ne prend le relais.
11 – Constater le délaissement de l’enfant, en tirer toutes les conséquences:
Lorsque le parent délaisse l’enfant au titre de l’article 350 du Code Civil, le service gardien doit obligatoirement saisir le Juge des Affaires Familiales, pour faire constater le délaissement. Celui-ci a un délai de 2 mois pour statuer. Passer ce délai, en l’absence de décision judiciaire, la déclaration judiciaire de délaissement sera réputée acquise. Il s’agit, par cet encadrement des délais, d’abaisser à 12 mois le délai observé aujourd’hui de plusieurs années de délaissement, avant d’obtenir une décision.
12 – Le refus de l’expertise psychiatrique ou psychologique d’un ou des titulaires de l’autorité parentale constitue une présomption simple de danger devant inciter le juge à prendre les mesures de protection adaptées. Le magistrat devra spécifiquement motiver sa décision de ne pas mettre en œuvre les mesures de protection dans cette situation.
13 – Obligation pour le juge pour enfants de motiver en droit et en fait l’exécution provisoire d’une mesure de protection, notamment les ordonnances de placement provisoire. En général, la motivation claire et précise des décisions judiciaires sont indispensables à la mise en œuvre des mesures de protection.
14 – Protéger les enfants sans domicile :
L’hébergement des familles sans domicile doit obligatoirement être assuré. Le Juge pour Enfants pourra, au titre des mesures de protection de l’enfance, ordonner l’accueil de la famille, dans des structures d’hébergement agréées et financées par l’Etat.
THEMATIQUE 4 : EVOLUTION DU CADRE LEGAL
La réforme envisagée pour améliorer et renforcer la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance oblige également à lever certains freins existants dans le système judiciaire actuel qui entravent la réalité de cette protection.
Réformer le cadre légal en cas de mise en péril des mineurs :
15 – Rétablir l’infraction pénale d’inceste dans le code pénal au titre des atteintes et des mises en péril des mineurs permettant de prendre toute la mesure et la complexité de ce manquement grave au titre de son caractère violent, contraignant, menaçant tant sur un plan physique que psychique et identifiant les majeurs pouvant être mis en cause.
Le rétablissement de cette infraction spécifique permettra de donner toute cohérence à l’article 222-31-2 du code pénal.
16 – Créer, au sein du code pénal, une infraction contre l’incitation à l’apologie et à la provocation à commettre un acte pédophile sur mineurs (inceste, crimes, violences, …) et dès lors un champ de répression de ce délit.
Réformer la protection des enfants victimes dans la phase de recueil de sa parole :
17 – Ne pas exposer directement et dans la même pièce le mineur à l’auteur présumé de l’infraction pénale dénoncée, lors des auditions des mineurs tant devant les forces de police (recueil par procès-verbal et enregistrement visuel et vocal de la parole du mineur) que devant le représentant d’une juridiction d’instruction (en l’espèce un juge pour enfants) ou de jugement (cour d’assises).
De même, il convient de ne pas imposer au mineur sa présence lors des débats judiciaires et de privilégier une diffusion de l’audition filmée de l’enfant, lors du recueil de sa parole devant les forces de police.
18 – Obligation pour les forces de police d’aviser les victimes mineures détenteur d’un discernement avéré ou de ses (ou son) représentant(s) légal/légaux détenteur(s) de l’exercice de l’autorité parentale de leurs droits (de garder le silence, d’être assisté lors de leur audition par un tiers conformément à l’article 706-53 du code pénal (CP), de se constituer partie civile, de disposer d’un délai de rétractation en cas de proposition de correctionnalisation de l’infraction à caractère criminel).
19 – Octroi pour les victimes mineures détenteur d’un discernement avéré ou de ses (ou son) représentant(s) légal/légaux détenteur(s) de l’exercice de l’autorité parentale d’une possibilité de rétractation sur acceptation d’une correctionnalisation d’une infraction criminelle, ce dans un délai préfix.
20 – Obligation pour les victimes mineures d’être assistée par un avocat pour enfants désigné par l’Ordre des Avocats du Tribunal compétent, à défaut de demande émise conformément à l’article 706-53 du CP.
Indemnisation de l’avocat pour enfants par les services de l’aide juridictionnelle sur les mêmes seuils que les avocats pour les auteurs présumés d’infraction tant dans le cadre de l’enquête que devant les juridictions de jugement.
21 – Mesure expertale :
Obligation d’établir un protocole expertal établissant des règles préfixes et communes, afin de réaliser toute mesure d’expertise médico-psychologique sur le mineur victime tant en matière pénale qu’en matière civile.
Ledit protocole sera établi par une équipe pluridisciplinaire composée de pédopsychiatres en exercice, psychologues en exercice, médecins dont médecins légistes, et tout autre sapiteur auquel l’équipe aura nécessité de s’adjoindre les compétences. Le protocole pourra être formalisé par une charte signée par tout expert désigné.
Obligation de désigner aux fins d’expertise médico-psychologique tout expert Pédopsychiatre toujours en activité- justifiant d’une formation continue dans le recueil de la parole de l’enfant – impartial non connu pour des parties pris idéologiques de défense de courants ou groupes particuliers de personnes. En cas de partialité avérée et rapportée tant par le mineur, son avocat, ses représentants légaux, que M. le Procureur de la République, l’expertise pratiquée sera caduque et emportera désignation d’un nouvel expert.
Protéger les mineurs dans les conflits familiaux :
22 – En cas de désintérêt durable, manifeste et rapporté d’un des détenteurs de l’autorité parentale par l’autre détenteur ou tous tiers ayant reçu délégation, le Procureur de la République, obligation pour la juridiction familiale saisie de lever l’exercice conjoint de l’autorité parentale, de manière partielle ou totale, de manière provisoire ou définitive, afin de faciliter toute pratique d’actes courants et usuels au profit de l’enfant mineur.
23 – Obligation pour la juridiction familiale, saisie même en cas de couple non marié, de tenir compte des violences existantes intra-couple ayant précédé la saisine judiciaire, avant de fixer les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Réformer l’injonction faites aux parties, dans le contexte de violences avérées, de se soumettre à une mesure de médiation familiale.
24 – Obligation pour la juridiction familiale (juge aux affaires familiales) et de protection (juge pour enfants), de prendre toutes mesures et de les motiver en privilégiant tout d’abord l’intérêt supérieur de l’enfant, avant la prise en compte de la mésentente parentale éventuellement existante pour toutes questions liées à un mineur.
25 – En vertu de l’intérêt supérieur de l’enfant, fixer la résidence de ce dernier au domicile de l’un des parents, en octroyant des droits de visite et d’hébergement à l’autre parent, adaptés à l’âge de l’enfant, à ses besoins, et pour les nourrissons de moins de deux ans, à leurs facultés à être tenus éloignés de leur lieu de vie référentiel, en instituant une progressivité jusqu’à la scolarisation de l’enfant.
26 – Obligation pour le Juge familial et de protection, d’écarter toutes théories partisanes et contestées non reconnues par le comité national de protection de l’enfance ou par un collège international et français pluridisciplinaire qui pourront être mises en avant par les parties ou tout expert désigné (comme par exemple le syndrome d’aliénation parentale).