Pr Moshe Farchi
Sur les notes du Dr Apolline MORVILLE
- Psychiatre
Cette visioconférence a été organisée, le lundi 6 avril 2020, par Emmanuelle Halioua, représentante officielle du Protocole National Israélien en Trauma immédiat de l’ICFR (International Center For Functional Resilience).
Contact : Emmanuelle Halioua Consultations92@yahoo.com
Dans le contexte actuel de pandémie qui nous affecte tous, parfois à des degrés différents, de nombreux facteurs de stress ont été identifiés qui peuvent fragiliser certains patients et nécessiter un accompagnement spécifique.
Le Protocole National Israélien dit des « 6C » est dispensé comme premiers soins d’urgences (dans les 6 premières heures) devant une situation traumatique (crise, catastrophe) à l’échelle individuelle, et son auteur, le Pr Moshe FARCHI, a généreusement partagé son expérience avec plusieurs soignants de différents pays.
Son approche, validée par la recherche scientifique, officiellement reconnue par le ministère de la santé Israélienne, et adoptée par l’US Army et l’armée Allemande, vise à fournir des outils concrets et pratiques pour guider une personne en situation de stress aigu à retrouver ses capacités fonctionnelles et prévenir l’apparition d’un trouble de stress post- traumatique (TSPT) ultérieur.
Sa facilité et son efficacité le rendent accessible à tout public (et même les élèves du primaire y seraient formés en Israël).
Le protocole se transmet à son entourage et permet de rendre les autres victimes ou témoins, actifs et efficaces
LE PRINCIPE DE L’INTERVENTION REPOSE SUR PLUSIEURS POSTULATS DE DEPART
Une personne en situation de stress, de crise ou d’anxiété éprouve une détresse (« helplessness »).
Cette détresse se manifeste par différents symptômes des registres émotionnels, comportementaux, cognitifs et physiques, parmi lesquels :
- la solitude
- une distorsion de la réalité
- un débordement émotionnel,
- une confusion
- des pensées répétitives (en boucle)
- une passivité
- de la dépendance.
Pour simplifier, chacun de ces symptômes peut exercer un feed back négatif sur le sentiment de détresse et générer un cercle vicieux, accentuant alors le sentiment de détresse et donc de stress aigu.
LE PROTOCOLE RECOMMANDE DE RECOURIR AUX 6 C
1. Commitment (= engagement)
C’est la stratégie pour lutter contre la solitude. On accompagne le patient et on répond à toutes ses questions : « Je reste avec vous pour que vous ayez toutes les informations dont vous avez besoin ». On prend les étapes une par une et on établit des priorités avec le patient.
2. Communication
C’est l’outil pour lutter contre la perception altérée de la réalité. On recentre le patient sur ses canaux sensoriels (regarder, toucher, écouter) afin de le détourner des ruminations anxieuses et lui permettre un ancrage dans des perceptions réelles, ici et maintenant. Par exemple, face à un patient qui serait perdu et qui dirait « Ce n’est pas possible, ce n’est pas arrivé », nous pouvons le guider et lui dire : « Allez dehors et décrivez moi ce que vous voyez » – « Quels sont les meubles autour de vous ? » – « Combien de personnes sont avec vous ? » Nous pouvons faire de même avec le TOUCHER ET L’AUDITION : par exemple : « Ecoutez le trafic dans la rue et décrivez-moi les bruits que vous entendez » ou encore « Touchez vos habits »…)
3. Cognition
Elle vise à contrer le débordement émotionnel (pleurs, irritabilité, colère, hyperventilation.) Le mécanisme physiopathologique en cause ici se résume essentiellement par l’hyperactivation des amygdales cérébrales (centre responsable des émotions, de la survie…) au détriment du cortex préfrontal (zone en charge de la planification, du raisonnement, des décisions…). Le but de l’approche cognitive est donc de sortir de cette surstimulation amygdalienne en ciblant le fonctionnement préfrontal. On ne demande surtout pas au patient d’exprimer le ressenti de son expérience ni ses émotions car cela entretiendrait l’activation de l’amygdale. On s’adresse à lui via des questions concrètes : NOM, NUMEROS (téléphone, adresse), détails techniques, FAITS, CHOIX, par exemple : « Veux-tu appeler ta mère ou ton père ? » – « Dis moi combien de personnes sont autour de toi… ») Tout ceci aide le patient à être actif et diminuer le ressenti de son débordement émotionnel.
4. Continuity (Rétablir une continuité)
Elle permet de pallier au sentiment de confusion et aux pensées répétitives. En situation de stress, le cerveau est inondé d’informations, ce qui peut entraver le séquençage chronologique des événements qui se sont déroulés. De cette difficulté peut notamment découler le sentiment que la séquence n’atteint pas sa fin, confrontant ainsi subjectivement le patient à ressentir l’absence de fin de l’épisode traumatique, et conséquemment à des pensées répétitives. L’aide apportée visera donc à rétablir la continuité du récit traumatique, par la description chronologique des faits, à l’aide du langage cognitif (évoqué précédemment).
5. Challenge et 6. Control
Pour lutter contre la passivité et la dépendance.
Pour ces deux derniers items, on accompagne le patient à retrouver un « état de capacité ». Les sujets dépendants ou passifs attendent une aide extérieure qu’il ne faut pas leur apporter au risque d’entretenir la problématique et de fournir une solution de substitution, par exemple : « J’ai dit à votre femme comment faire » – « Laissez-moi faire, je vais faire pour vous… »). Face à ce profil de patient, l’aide consiste à leur rendre leurs capacités, en les guidant vers un choix d’activités utiles et compatibles avec leur état (tâches domestiques, implication familiale, créativité, apprentissage, jeux, sport…). Une forme d’autonomie retrouvée est également un ancrage dans l’ici et le maintenant.
EN CONCLUSION
Ce protocole, facile d’emploi permet en moyenne en quelques minutes d’aider une personne victime et de prévenir un risque de TSPT ultérieur.
Il est à la portée de tous, et vise à ramener le patient dans sa fonctionnalité.
Merci aux organisateurs et au Pr Farchi d’avoir eu la bienveillance de partager ce savoir.
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