COMPTE RENDU DU COLLOQUE DU 10 OCTOBRE 2019 : COMMENT INCRIMINER LES AGRESSIONS SEXUELLES SUR LES MINEURS ?

Vanessa Saab

  • Enfance Majuscule

 

RESUME

Le 10 octobre 2019, Salle du Conseil de l’Université Panthéon Assas Paris 2, les universitaires de l’Institut de criminologie dirigés par le Pr Philippe CONTE, une anthropologue, une professeure de pédopsychiatrie, une magistrate, une avocate, et des membres du collectif pour l’enfance, étaient réunis pour réfléchir sur les conséquences de la relative impunité des crimes sexuels sur les mineurs et en particulier sur la notion de consentement que la LOI n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite ‘Loi Schiappa’, n’a pas aboli.
– Mme Véronique NAHOUM-GRAPPE, anthropologue, partant du constat que seul 1% des viols était puni, démontre les effets délétères de l’impunité qui conforte le violeur dans une position de toute puissance qui ôte à la victime tout espoir de relever la tête.
– La Dre Anne REVAH-LEVY, Professeur de pédopsychiatrie, se fondant sur les étapes du développement de l’enfant, explique que ce n’est pas parce qu’on acquiert une potentialité et une curiosité sexuelle vers 13 ou 14 ans que quelque chose de la sexualité est advenue. L’adulte doit garder une distance pour que l’ado poursuive sa quête dans un environnement qui lui correspond avec des ados de son âge. Le corps érotique appartient aux adultes qui ont terminé leur construction. Pour attribuer un sens à un acte, il faut avoir une représentation de ce qu’est la réalité. Pour l’enfant, la réalité est très longtemps sa réalité intérieure. Jusqu’à 7 ou 8 ans, la réalité est la réalité intérieure. Les adultes vont l’aider à faire la différence entre imaginaire et réalités partagées. Quand survient l’effervescence pubertaire, dans un monde hyper sexualisé, la responsabilité organisationnelle du monde adulte est déterminante pour lui faire comprendre qu’il y a un travail qui n’est pas terminé. En fait, la sexualité consentie est à 17 ans et demi.
– Maitre Carine DURRIEU-DIEBOLT, avocate dans l’affaire Pontoise, explique que le maintien de l’atteinte sexuelle qui pose la question du consentement d’un-e mineur-e quand on ne peut prouver la présence de menaces, violences, contraintes ou surprise, est responsable de défenses très agressives : « Les enfants d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et à 10 ans ou 11 ans, ils sont hyper sexualisées ! ».  La présomption de non consentement est responsable de procès sur-traumatisants. A la violence des actes s’ajoute la violence de la procédure pénale.
– Mme Laetitia DHERVILLY, directrice de formation à l’ENM, explique que la qualification des faits est délicate pour le parquet des mineurs qu’elle a dirigé à Paris. L’audition du mineur, l’expertise médicale, l’expertise psychologique, vont permettre d’orienter la procédure. Que ce soit avec l’ancienne ou la nouvelle loi, il faut rechercher le consentement quel que soit l’âge, le seuil de 15 ans dans l’ancienne loi ne déterminait que l’aggravation de la peine. Dans la plupart des juridictions, sur le plan pratique, un enfant de moins de 13 ans était considéré comme n’ayant pas consenti à un acte sexuel : « C’est une présomption qu’on appliquait de fait. Nous n’avions pas besoin de texte, » dit-elle. Elle conclut que pour un enfant de 11 ans victime d’un acte sexuel, par exemple, on doit se donner les moyens de rechercher contradictoirement l’ensemble des éléments de preuve pour vérifier dans quel contexte ça s’est passé, mais de toute façon il y a une infraction, même s’il s’agit d’une atteinte sexuelle. La nouvelle loi est moins dangereuse pour les victimes puisque la peine pour atteinte sexuelle est aggravée. Selon les consignes données au procureur : « On ne dit pas que c’est une atteinte parce qu’il y a consentement mais parce qu’on a pas réussi à prouver l’agression ou le crime ». Sur la délicate question de la correctionnalisation des viols : « On correctionnalise pour gérer le flux des cours d’assises surchargées en ajoutant que pour le Parquet, il est très dangereux de soumettre, à un jury de non spécialistes, des dossiers sur lesquels il faut se prononcer sur le consentement et l’absence de preuve. Cela donne  beaucoup d’acquittements. Elle conclut en affirmant qu’il faut former tous les praticiens, admet qu’un seuil d’âge de 13 ans lui paraît pertinent et cite une circulaire de Mme BELLOUBET : « Vous devez considérer que, quand il y a une très grande différence d’âge entre l’auteur et la victime, c’est quasiment une présomption ». C’est un guide qui fera progresser.
– M. Philippe CONTE explique les difficultés du droit français à réprimer les agressions et atteintes sexuelles. Une infraction pénale est constituée par deux éléments : matériel et moral (l’intention). Pour les violences sexuelles, l’absence de consentement doit être révélée par des adminicule : violence, menace, contrainte et surprise. Même si un juge est convaincu de l’absence de consentement, il ne peut pas conclure à une agression sexuelle sans preuve d’un de ces adminicules. Le juriste face à une infraction se pose deux questions : 1) l’infraction est-elle constituée ? 2) les faits peuvent-ils être aggravés ? Une même donnée ne peut pas être un élément constitutif et une circonstance aggravante : c’est une impossibilité juridique logique. Il est impossible d’évoquer les adminicules au nom de l’âge de la victime, cela reviendrait à dire que l’âge constitue et aggrave la peine (car la minorité est une circonstance aggravante des agressions). La décision de la cour de cassation du 7 décembre 2005 dispose que l’état de contrainte et de surprise résulte du très jeune âge des enfants qui les rendent incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur sont imposés. En application de cette jurisprudence audacieuse, au-delà de cet âge, c’était au juge d’établir au cas par cas à partir de l’âge du mineur et pas à cause de l’âge du mineur, s’il y avait est contrainte ou non. La Loi de 2010  précise les conditions de la contrainte morale : « la contrainte morale PEUT résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, » sans rien imposer au juge. La loi du 3 août 2018 vise aussi la surprise. Ce texte n’est pas la rupture annoncée parce qu’il continue de se référer aux adminicules dont j’ai déjà parlé, y compris pour les mineurs de 15 ans : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l’article 222-22 PEUVENT résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur. » Le juge continue de décider espèce par espèce car : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ». Pour conclure : en dépit de la réforme de 2018, il n’y a aucune automaticité en cas d’acte sexuel avec ou sans pénétration d’un majeur envers un mineur. Fixer un âge légal de discernement n’exclurait pas le risque que le Conseil constitutionnel considère qu’il y a une atteinte à la présomption d’innocence. C’est pourquoi il propose une infraction nouvelle évacuant toute référence au discernement ou au consentement, interdisant toute relation sexuelle d’un majeur sur un mineur, sans autre condition que l’âge. Il faudrait alors si on s’engageait dans cette voie, nécessairement respecter un impératif, ne parler ni de viol ni d’agression sexuelle sinon ce serait inconstitutionnel car le même acte serait sanctionné sous la même qualification mais dans des conditions totalement différentes.
– Mme Carole HARDOUIN-LE GOFF, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas (Paris II) déclare : « La ‘Loi Schiappa’ à suscité de nombreux espoirs déçus qui suggéraient de fixer un seuil d’âge en dessous duquel le non consentement d’un mineur à un acte sexuel serait présumé. L’immersion dans le droit étranger permet de d’observer la faisabilité d’un seuil d’âge. Cette observation classe les pays en trois groupes. ». 1) Les pays où existe une présomption irréfragable est plus ou moins explicite : la Belgique 14 ans, le Canada 16 ans, le Royaume-Uni 13 ans. 2) Les pays ou les interrelations sexuelles sont un crime générique qui s’applique à toutes les infractions en dessous d’un certain âge : l’Allemagne 14 ans, le Portugal âge de la majorité. 3) Les pays où la loi impose de rechercher le consentement du mineur : France, Italie et Espagne. Pour la CEDH, les législations qui considèrent que l’absence de consentement et non plus l’usage de la force, est l’élément constitutif de l’infraction de viol sont modernes. Ils privilégient le développement psychologique des mineurs et non la liberté sexuelle : « Mais est-ce que la liberté sexuelle a un sens chez un enfant ? » interroge-t-elle. Cette divergence essentielle en terme de valeurs protégées explique les différences entre pays.

 

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Le 10 octobre 2019, Salle du Conseil de l’Université Panthéon Assas Paris 2, les universitaires de l’Institut de criminologie, dirigés par le Pr Philippe Conte, et des membres du collectif pour l’enfance, étaient réunis pour réfléchir sur les conséquences de l’impunité des crimes sexuels sur les mineurs et en particulier sur la notion de consentement que la LOI n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite Loi Schiappa, n’a pas aboli.

Ce résumé, réalisé par Vanessa Saab d’Enfance majuscule, sera complété par une publication dans la Revue de l’Institut de Criminologie.

Manque l’intervention de M. Benoit Ledévédec, intitulée « Agressions sexuelles sur mineurs et impunité statistique : quels rôles pour la loi et la justice ».

Les résumés suivent le déroulement de la journée

I- CONSEQUENCES DE L’IMPUNITE DES VIOLENCES SEXUELLES SUR MINEURS.

Par Véronique Nahoum Grappe, anthropologue

Comment est-il possible d’incriminer ou non certains faits transgressifs à un moment donné, dans un lieu donné, un pays, un village, une famille…

LA FAMILLE AU SENS ANTHROPOLOGIQUE

Elle est un lieu où le rapport de force est très spécifique. Qui détient le pouvoir ? Ce sont les parents. Ils donnent les cadres de compréhension du réel à l’enfant. L’adulte est plus fort, plus grand, il a la connaissance du monde, il est le pilier, il a la force de la logistique économique. Pour le personnage transgressif, qui va effectuer le crime de profanation sur le petit corps de l’enfant, c’est une jouissance.

LE CONFORT DE L’IMPUNITE

Jouir de l’impunité c’est le confort du bourreau, cela définit le cadre de la répétition. Le confort est moral, physique, psychique. L’impunité change le bourreau dans une forme de vertige qui accentue la cruauté. Face à ce pouvoir de tout faire, la posture d’impunité est une nécessité.

IMPUNITE ET MENSONGE

Il faut construire le mensonge afin que l’impunité dure. Le personnage transgressif est du côté du pouvoir absolu. II peut tout faire. Il va expliquer que cet enfant dans le placard c’est sa faute, il est méchant. Le premier moment du mensonge c’est la bascule de la culpabilité du côté de la victime. L’inversion de culpabilité. Le deuxième moment du mensonge c’est une construction théorique qui va légitimer cette bascule. Là on passe de l’espace familial à autre chose.

UNE CRIMINALITE INSTITUEE DANS L’IMPUNITE 

L’impunité sur le plan familial ou général autorise la multiplication des crimes. Comme le disait Montaigne “S’il y a l’impunité en lieu de justice cela autorise la multiplication des crimes”. En quantité, dans le confort, en virulence, en toxicité, en méchanceté. C’est jouir de la souffrance que l’on impose à autrui sans raison.

LE PERFORMATIF DE L’IMPUNITE 

Il décrit un fonctionnement, quelque chose de très précis et qui fonctionne. La réalité est la façon dont les choses s’expriment dans la famille. Il sera impossible de dire pour l’enfant du placard, violé, maltraité alors que les autres sont chouchoutés, que quelque chose ne va pas. C’est une performance. Tous les crimes s’effectuent dans la grande majorité du côté du bon droit. Le criminel a construit une théorie : Hitler a supprimé les juifs parce qu’ils menaçaient la planète. Le père qui torture raconte que c’est sa mission sacrée que personne ne comprend rien.

UNE CONSTRUCTION VERTIGINEUSE

La construction va être jouée dans le registre du vertige “toujours” “jamais”, “le pur”, “l’impur”, “le sacré”. Le mensonge pour s’installer, fasciner, méduser, va utiliser ce registre de la sémiologie vertigineuse, c’est à dire quelque chose d’absolu.

L’impunité est une conviction plus ou moins partagée par les acteurs eux-mêmes. Quand vous dites à la victime, jamais ton point de vue ne pourra être entendu. L’absence de la moindre lueur d’espoir fait que la victime ne relève pas la tête.

Au final moins d’1% des viols sont punis.

II- PEUT-ON EVALUER LE DISCERNEMENT DE L’ENFANT ?

 Par Anne Revah-Levy, Professeure de pédopsychiatrie

 Pour être discernant, attribuer du sens aux actes qu’on effectue, il faut être devenu un sujet en lien avec un autre. Cette construction est progressive et donne une   place singulière au sexuel. 

Avant de me pencher sur cette question je voudrais faire référence à une étude publiée en septembre 2019 par une revue scientifique américaine. Des femmes de 18 à 45 ont été interrogées entre 2011 et 2017 sur leurs souvenirs d’initiation sexuelle forcées et consenties. 6,5% des femmes disent avoir subi des relations sexuelles vers 15 ans et demi avec un homme d’environ 27 ans. Pour les relations sexuelles consenties elles avaient 17 ans et demi et l’homme environ 21 ans. Cela permet de mettre en lumière la différence entre les vraies expériences sexuelles et celles qui sont subies.

LE DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT 

Bébé et la relation à l’autre

Le bébé est un être qui vit dans un monde de sensations chaotiques. Il ne sait pas ce qui lui arrive, s’il a mal, faim, sommeil…le bébé ne donne pas de sens. C’est la proposition maternelle de soins qui va donner du sens aux différentes expériences sensorielles : pleurs, faim…

Ce n’est que par le biais de l’autre que le bébé a le sentiment d’exister, d’être soi.

Le petit est très longtemps soumis aux besoins d’organisation par le monde extérieur.

L’enfant et la relation à d’autres 

Entre 6 et 11 ans, il va faire face à ses besoins par une tentative de découvrir son propre corps, et de trouver des modalités d’auto-apaisement, masturbation, et amitiés qui ne mettent pas en jeu un corps érotique.

L’adolescent en quête de narration

Ce n’est pas parce qu’on est dans une potentialité sexuelle vers 13 ou 14 ans que quelque chose de la sexualité est advenu. Les ados sont consommateurs d’expériences (pornographie, réseaux sociaux…) qui cherchent à organiser quelque chose. Les adultes ont parfois l’impression que si on parle du sexuel ça parle aussi d’eux-mêmes. Mais non. C’est à l’adulte de garder une distance, de réaliser que cette sexualité ne s’adresse pas à lui, de restituer à l’ado les enjeux de sa propre quête dans un environnement qui lui correspond avec des ados de son âge qui sont au même niveau de sa quête psychique.

La quête d’une sexualité est chez l’ado une quête de narration, de mise en sens. Qu’est-ce que je ressens ? Quel sens je lui donne ? Comment je le vis ? L’adolescent va chercher lui-même à donner du sens.

Un sujet devient soi quand il est parvenu à articuler les données du dedans à sa propre narration identitaire.

LE DISCERNEMENT CHEZ L’ENFANT 

Les niveaux intéractionnels

Ce n’est qu’à l’adolescence que va émerger la possibilité de la relation à soi puis à l’autre. Avant le soi de l’enfant se dissout dans la relation à l’autre, ce qui ne lui permet pas d’être discernant.

Pour qu’un sujet consente, discerne, il existe 3 niveaux de négociations : de soi à soi, de soi à un autre, de soi à un contexte. Et il faut déjà être parvenu à la négociation de soi à soi, hors c’est extrêmement tardif dans le développement de l’enfant.

Si un enfant a des comportements qui ont l’air de chercher de la sexualité ce sont des tentatives d’organisation d’expériences chaotiques et intenses, d’organisation du sexuel qui doivent trouver un adulte qui se tienne à distance. Le monde extérieur ne doit pas y participer.

Le corps érotique est une notion qui n’existe pas en tant que telle chez un enfant, chez un adolescent. Le corps érotique appartient aux adultes qui ont terminé leur construction. Chez les ados, il y a un corps qui est pris par les enjeux du sexuel mais qui n’est pas le corps d’une transaction de la sexualité. La transaction de la sexualité est du sexuel articulé à une histoire sur le désir, sur l’altérité, sur les fantasmes et on n’en est pas là avant assez longtemps.

Quand on voit que la sexualité consentie est à 17 ans et demi, ce n’est pas un discours théorique, c’est un discours sur comment un sujet s’approprie l’organisation du sexuel en lui.

Discernement et lien au réel

Pour discerner, attribuer un sens à un acte, il faut avoir une représentation de ce qu’est la réalité. Pour l’enfant, la réalité est très longtemps sa réalité intérieure. Jusqu’à 7 ou 8 ans et les adultes vont là encore donner du sens, faire la différence avec imaginaire et réalités partagées. Cet accompagnement sur la réalité psychique est très lent et progressif.

Il y a à partir de l’adolescence une telle effervescence interne, une pression du dedans qui va à nouveau coloniser le monde extérieur. Et même si l’adolescent est parvenu à une différenciation entre Soi et non soi, l’effervescence pubertaire va venir effacer le soi et le non-soi en mettant au dehors des dimensions internes au sujet. L’ado voit dans la réalité extérieure beaucoup de messages sexuels. C’est sa propre effervescence sexuelle qui vient se répandre.

La responsabilité organisationnelle du monde adulte c’est de pouvoir réadresser au sujet que sur cette réalité un peu confuse de la sexualité dedans, dehors, il y a un travail qui n’est pas terminé.

 III- DIFFICULTES D’APPLICATION DE LA LOI ACTUELLE

Cette intervention réunissait une avocate et une magistrate, ancienne responsable du pôle des mineurs au TGI de Paris

Carine Durrieu-Diebolt, Avocate dans l’affaire Pontoise

Dans cet affaire la jeune fille de 11 ans a subi des actes sexuels avec pénétration, mais comme pour la plupart des violences sexuelles sur des enfants, il n’y a pas eu de violence (« pas de traces sur le corps », « pas de traces matérielles »). Sa seule réaction a été la sidération mentale face à son agresseur, une réaction classique des victimes de violences sexuelles. Et donc c’était la contrainte morale ou la surprise qui pouvait être retenue. Le parquet y a vu une difficulté et a préféré immédiatement qualifier les faits en atteinte sexuelle sur mineurs pour assurer une peine comme me l’a confié le procureur.

La requalification en atteinte sexuelle 

La qualification de l’infraction signifiait à la victime qu’elle avait été consentante parce qu’on ne retenait ni la contrainte, ni la surprise et qu’on ne lui a même pas laissé la chance d’en débattre puisqu’il n’y avait pas d’instruction envisagée.

Lorsque la famille et la victime sont venues me voir, elles étaient scandalisées et ils étaient prêtes à un procès pour qu’on requalifie les faits en viol. J’ai pris des conclusions en requalification, en arguant de la législation européenne qui en général retient une présomption de non consentement.

J’ai écrit un article dans une revue juridique sur cette affaire. Mediapart est tombé dessus et s’est emparé de cette question de la présomption de non consentement.

la loi Schiappa n’a rien changé sur ce point

La loi Schiappa est passée par là de manière insatisfaisante et incomplète. Nous n’avons pas eu de présomption de non consentement. Le débat sur la contrainte et sur la surprise demeure, comme le besoin d’une expertise sur la maturité sexuelle de l’enfant. Difficulté en matière de preuve à rapporter en ce qui concerne la contrainte et la surprise et difficulté en matière d’expertise. Comment mesurer la maturité sexuelle, lorsque l’expertise est effectuée des années plus tard ?

Cela permet des défenses très agressives

De plus, et c’est ce qui s’est passé dans l’affaire de Pontoise, on peut avoir des Défenses très agressives, du type “les enfants d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et à 10 ans ou 11 ans, ils sont hyper sexualisées”

Sur une affaire à Bourges, deux sœurs de 13 et 16 ans avaient dénoncé des viols et agressions sexuelles commis par un voisin de 70 ans. La défense était extrêmement agressive, elle disait que les jeunes filles “étaient provocantes, qu’elles portaient des décolletés, qu’elles avaient des shorts courts, qu’elles se frottaient en passant derrière le vieux monsieur, qu’elles le cherchaient”. Lui disait qu’il était tombé dans le piège des gamines, c’était sa défense. Défense traumatisante pour les victimes. Il a pu utiliser cette stratégie parce qu’il n’y a pas de présomption de non consentement. En l’occurrence il a contesté la contrainte et la surprise parce qu’il pouvait le faire.

Sans cette présomption de non consentement on a des procès sur-traumatisants pour les enfants victimes de violences sexuelles. À cette violence première s’ajoute la violence de la procédure pénale.

Laetitia Dhervilly, directrice de formation à l’ENM

Un procureur de la république c’est celui qui dirige les enquêtes, reçoit les comptes rendus des enquêteurs. Ainsi l’enquêteur rend compte en temps réel des investigations au procureur de la république, lequel vérifie en permanence l’adéquation et la proportionnalité entre les atteintes aux libertés individuelles et la nécessaire recherche des éléments de preuve. (interpellation, audition…cela doit rester dans un cadre légal. Pour les victimes c’est le procureur qui décide des réquisitions, des expertises et de l’orientation de la procédure).

La victime rapporte ce qu’elle a vécu, le policier fait un procès-verbal, rend compte de son enquête, soumet des preuves, le procureur qualifie les faits puis décidera de poursuivre le mis en cause devant la juridiction de jugement.

Une délicate qualification des faits pour le procureur

Cette responsabilité est très lourde pour le procureur qui doit trancher : est-ce un délit, est-ce un crime ? Ce domaine d’infractions sexuelles commises sur les mineurs fait appel à des compétences particulières. L’audition du mineur, l’expertise médicale, l’expertise psychologique…ce sont elles qui vont permettre d’orienter la procédure.

L’expérience de nos enquêtes, et la spécialisation des acteurs permet de recueillir un faisceau d’indices pour considérer que l’acte a été commis ou non et de caractériser l’absence de consentement.

Quand l’acte sexuel est constitué, il n’y a pas grande différence entre la nouvelle et l’ancienne loi. L’ancien texte nous permettait d’apprécier la différence d’âge entre victime et auteur comme un élément présumant l’absence de consentement (élément constitutif de la surprise) .

Le viol sur mineur, moins de 15 ans, plus de 15 ans engage des peines différenciées et une procédure qui se différencie sur la qualification.

 Qualifier avec l’ancienne loi 

Il faut rechercher le consentement quel que soit l’âge, le seuil de 15 ans dans l’ancienne loi ne déterminait que l’aggravation de la peine.

Dans l’affaire de Pontoise, il y avait une différence d’âge importante, 11 ans-28 ans. Or, dans le dans la pratique, je vous confirme que la différence d’âge était prise en compte comme indiqué à l’instant. Nous praticiens avons tous été interpellés par la requalification dans cette affaire.

Dans la plupart des juridictions, c’était le cas dans ma pratique au sein du parquet de Paris , un enfant de moins de 13 ans (seuil assez pertinent) ne consent pas à un acte sexuel c’est une présomption qu’on appliquait de fait. Nous appliquions le nouveau texte avant l’heure.

S’il y a un acte avec pénétration, un crime, dans la majorité des cas, un procureur ouvre une information judiciaire. Il n’y a pas de débat là-dessus et il ne doit pas y en avoir. Donc pour un enfant de 11 ans victime d’un acte sexuel on doit se donner les moyens de rechercher contradictoirement l’ensemble des éléments de preuve pour vérifier dans quel contexte cela s’est passé, de toute façon il y a une infraction. Même si à la fin les éléments de preuve ne permette de retenir que  l’atteinte sexuelle.

Qualifier avec la nouvelle loi dite Schiappa

La nouvelle atteinte est moins dangereuse pour les victimes puisque la peine est aggravée de 5 à 7 ans encourus. De plus, selon les consignes données au procureur “on ne dit pas que c’est une atteinte parce qu’il y a consentement mais parce qu’on a pas réussi à prouver l’agression ou le crime”. Obtenir des acquittements était plus grave et plus traumatisant pour la victime. L’instruction pénale, la procédure constitue en soi une violence pour les victimes. Les cours d’assises ont désormais obligation de demander aux jurés « est-ce qu’on peut requalifier en atteinte sexuelle » ce qui est une évolution intéressante et permet d’éviter des acquittements.

Pourquoi on correctionnalise ? la correctionnalisation est prévue par les textes et encadrée, elle est pratiquée pour différentes raisons et toujours avec l’accord de la victime via son avocat qui doit s’exprimer officiellement en procédure. Le procureur doit décider du plus opportun pour la victime, pour qu’elle se reconstruise, en fonction de la durée des procédures de la gravité de la peine envisagée. Pour le parquet, il est parfois aléatoire de soumettre, à un jury non spécisalisé, des dossiers sur lesquels il faut se prononcer sur le consentement et l’absence de preuve, en fonction de la solidité des éléments de preuve.

Comment mieux qualifier ? 

Nous avons été interrogés par la commission des lois du Sénat pour la préparation de cette loi. Nous avons expliqué que nous n’avions pas besoin de seuil d’âge mais besoin de moyens, de formations, de spécialisation des magistrats pour permettre de bonnes pratiques.

Il est très compliqué pour les praticiens d’appliquer ce texte. Il faut travailler avec des enquêteurs qui savent recueillir la parole de l’enfant parce qu’ils le font tous les jours, travailler avec des pédopsychiatres qui savent objectiver une absence de consentement ou une absence de discernement, travailler avec des avocats et des procureurs spécialisés qui traitent régulièrement de ce type d’enquête. Il y a de nombreuses dimensions, à saisir, au-delà de l’âge, le contexte de révélation et la temporalité de cette révélation par exemple.

Sur le consentement de la victime

Si vous voulez un seuil, plutôt 13 ans, âge qui va dans le même sens que la responsabilité pénale. En terme d’analyse de maturité il y a une forme de cohérence. Le débat a finalement été déplacé autour d’une présomption.

Le nouveau texte a été complété par une circulaire d’application incitant les procureurs de la République dans les termes suivants : “vous devez considérer que, quand il y a une très grande différence d’âge entre l’auteur et la victime, c’est quasiment une présomption”. Cette instruction, je l’espère fera progresser les pratiques.

Avant on se posait la question du discernement comme suit : Est-ce que cet enfant de 11 ans était plus mature que les autres ? Le nouveau texte déplace ce questionnement : il ne faut plus raisonner sur un discernement global mais sur un discernement à l’acte sexuel.

IV- COMMENT REDEFINIR LES INFRACTIONS SEXUELLES CONTRE LES MINEURS DANS LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA MATIERE PENALE

M. Philippe Conte, professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II) est directeur de l’institut de criminologie et de droit pénal

L’objet de mon exposé est de faire comprendre les difficultés du droit français à réprimer les agressions et atteintes sexuelles. Le droit repose tout entier sur des principes fondamentaux, intangibles, presque des acquis sociaux.

COMPRENDRE L’ETAT DU DROIT 

Les infractions pénales

Une infraction est constituée quand deux éléments sont réunis  :

– l’élément matériel (par exemple : soustraction frauduleuse)

– l’élément moral (intention de voler)

S’ajoutent parfois à ces éléments des circonstances aggravantes (par exemple : vol en réunion)

Les agressions sexuelles

Dans le code pénal, elles sont ainsi subdivisées :

– sans le consentement de la victime elles sont de 2 sortes : viols s’il y a pénétration et agressions sexuelles pour les agressions autres que le viol

– On parle d’atteinte sexuelle quand on retient le consentement de la victime.

L’absence de consentement et les adminicules

L’absence de consentement doit être révélée par ce que les juristes appellent des adminicules. Il s’agit de la violence, de la menace, de la contrainte et de la surprise.

Il en résulte que même si un juge est convaincu de l’absence de consentement, il ne peut pas conclure à une agression sexuelle sans preuve d’un de ces adminicules

Le juriste face à une infraction se pose deux questions 

1-l‘infraction est-elle constituée ?

2-les faits peuvent-ils être aggravés ?

Une même donnée ne peut pas être un élément constitutif d’une infraction et une circonstance aggravante, c’est une impossibilité juridique logique.

Concernant le vol : on ne pourrait pas dire le vol est constitué et aggravé par le même acte : la soustraction frauduleuse. 1 et 2 seraient confondus.

Concernant la minorité de la victime. Il est impossible pour le juge d’évoquer les adminicules au nom de l’âge de la victime, cela reviendrait à dire que l’âge constitue et aggrave la peine (car la minorité est une circonstance aggravante des agressions). Idem pour l’autorité. Impossible pour le juge de dire contrainte car l’agresseur avait autorité et dans le même temps de dire que cet autorité aggrave la peine

La décision de la cour de cassation le 7 décembre 2005

Cette décision a confirmé les juges du fond lorsque les enfants sont très jeunes (1 an et demi et 5 ans). Les motifs de l’arrêt étaient les suivants “l’état de contrainte et de surprise résulte du très jeune âge des enfants qui les rendaient incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés”. En application de cette jurisprudence audacieuse, c’était au juge d’établir au cas par cas à partir de l’âge du mineur et pas à cause de l’âge du mineur. Aucune automaticité : il est mineur donc il est contraint. Là, le juge a fait preuve d’une indiscutable audace.

LES MODIFICATIONS PAR LE LEGISLATEUR DE L’ARTICLE 222-22 CP

La Loi de 2010 

Le législateur précise les conditions de la contrainte morale.

la contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime

L’apport de cet article ainsi rédigé apportait deux indices permettant au juge de conclure à la contrainte morale. En effet, le texte précise “peut” mais n’impose rien au juge qui décide si de la différence d’âge ou de l’autorité résulte la contrainte. Il est une ratification de la jurisprudence antérieure. Selon le conseil constitutionnel, le nouvel article désigne des circonstances de fait sur lesquels la juridiction “peut” se fonder pour apprécier “si” en l’espèce les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte. Le conseil constitutionnel de conclure qu’il n’y a aucune confusion entre les éléments constitutifs d’une part et les circonstances aggravantes de l’autre.

La loi du 3 août 2018

Ce texte vise maintenant aussi la surprise. Ce texte n’est pas la rupture annoncée parce qu’il continue de se référer aux adminicules dont j’ai déjà parlé, y compris pour les mineurs de 15 ans.

Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur, la contrainte morale mentionnée au premier alinéa du présent article ou la surprise mentionnée au premier alinéa de l’article 222-22 peuvent résulter de la différence d’âge existant entre la victime et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur la victime, cette autorité de fait pouvant être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur.

La différence d’âge peut “si elle est significative” engendrer l’autorité. Ce texte précise que l’autorité peut-être caractérisée par une différence d’âge significative. Cette “différence d’âge significative”, ce sera au juge de l’apprécier. “Peut être caractérisée”, là encore il n’y a pas de rupture, pas d’automaticité, le juge a simplement la possibilité de considérer que la différence d’âge, pourvu qu’elle soit significative, a engendré l’autorité requise. Le juge continue de décider espèce par espèce. Preuve en est l’alinéa suivant :

Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ;

Le législateur emploie “sont caractérisées” ici le mot “peuvent” disparaît. Dans cette hypothèse, le juge a tout pouvoir d’appréciation du discernement, mais s’il considère que le mineur n’a pas le discernement nécessaire il doit conclure à la contrainte ou à la surprise.

“Le discernement” selon le législateur est un discernement spécifique, propre à la matière sexuelle, pas le discernement général. Concernant “L’abus de vulnérabilité” ; faut-il comprendre que cet abus de vulnérabilité est inhérent au fait que le mineur n’a pas le discernement ou faut-il comprendre que face à un mineur qui n’a pas le discernement il faudra prouver que l’auteur a en outre abusé de la vulnérabilité de la victime ? Ce texte formidablement mal fait ouvre un abîme.

Les conséquences pour les mineurs

Pour les mineurs âgés de 15 ans et plus l’absence de consentement doit être établie par la preuve d’un adminicule, avec deux indices particuliers, la contrainte ou surprise. Elles peuvent résulter de la différence d’âge ou de l’autorité laquelle peut-être caractérisée par une différence d’âge significative.

Pour les mineurs de moins de 15 ans,

– s’il a le discernement en matière sexuelle sa situation est identique au mineur de 15 ans et plus

– s’il n’a pas le discernement le juge doit conclure à une contrainte ou une surprise.

En passant par le discernement le législateur a en réalité court-circuité toutes discussions sur le consentement qui sont évacuées sous réserve de l‘abus d’une vulnérabilité. Il s’agit là d’une innovation considérable concernant le mineur non discernant.

Mais dans le prolongement de cela on est resté à mi-chemin. On a déplacé le point d’analyse, on ne s’interroge plus sur la contrainte ou la surprise mais sur le discernement. Le juge doit s’intéresser au discernement et au cas par cas. En dépit de la réforme de 2018, il continu à n’y avoir aucune automaticité en cas d’acte sexuel avec ou sans pénétration d’un majeur envers un mineur.

LES SOLUTIONS POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DES MINEURS

Fixer un âge légal de discernement 

En deçà de l’âge fixé par le législateur le mineur n’est pas discernant. L’ordonnance du 11 septembre 2019 crée une présomption d’absence de discernement pour les mineures de moins de 13 ans lorsqu’ils sont les agresseurs. Si on dit d’un mineur qu’il n’est pas discernant, le risque est que le conseil constitutionnel considère qu’il y a une atteinte à la présomption d’innocence qui ne peut pas être complètement évacuée.

 Concevoir une infraction nouvelle

Cette solution évacue toute référence au discernement ou au consentement, une disposition qui interdirait toute relation sexuelle d’un majeur sur un mineur, sans autre condition que l’âge. Il faudrait alors si on s’engageait dans cette voie, nécessairement respecter un impératif, ne parler ni de viol ni d’agression sexuelle sinon ce serait inconstitutionnel car le même acte serait sanctionné sous la même qualification mais dans des conditions totalement différentes.

Il faudrait donc créer une qualification nouvelle, par exemple l’abus sexuel de minorité. Si on s’engage dans la voie d’une nouvelle infraction cela supposerait de revoir l’ensemble des incriminations pour éviter des chevauchements, c’est une évidence.

Tant qu’on passera par les adminicules on n’échappera pas à ces discussions infinies sur : a-t-il ou non consenti ?

V- ETUDE DE DROIT COMPARE EUROPEEN SUR LES INFRACTIONS SEXUELLES SUR MINEURS

Carole Hardouin-le Goff, maître de conférences à l’université Panthéon-Assas (Paris II)

La loi Schiappa à suscité de nombreux espoirs déçus qui suggéraient de fixer un seuil d’âge en dessous duquel le non consentement d’un mineur à un acte sexuel serait présumé. L’immersion dans le droit étranger permet de d’observer la faisabilité d’un seuil d’âge. Cette observation classe les pays en trois groupes.

AGRESSIONS SEXUELLES SANS RECHERCHE DE CONSENTEMENT

L’idée est que tout acte en dessous d’un certain âge est d’emblée qualifié d’agression sexuelle. Le consentement du mineur n’est pas constitutif de l’infraction. Dans ces pays, une présomption irréfragable est plus ou moins explicite.

– En Belgique : avec une présomption irréfragable art 375 alinéa 6 du code pénal Belge. Le viol est réputé avoir été commis à l’aide de violence lorsqu’un acte de pénétration sexuelle a été commis sur un enfant qui n’a pas atteint l’âge de 14 ans accomplis.

– Au Canada : il est énoncé que l’absence de consentement est présumée par la loi lorsque le mineur est âgé de moins de 16 ans en matière d’acte sexuel. Le Canada pose aussi un principe d’irrecevabilité de tout argument selon lequel un mineur aurait pu consentir à une agression sexuelle.

– Au Royaume-Uni : la référence est une loi de 2003 sexual offensive act.

Elle précise qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’absence de consentement, il est seulement nécessaire de prouver l’acte en lui-même et l’âge de la victime (13 ans) et éventuellement d’autre élément pour qualifier l’agression. Ex : si pénétration = viol

– Aux Etats-Unis : La législation en cette matière relève des états fédérés. Par exemple dans le Dakota du sud : est considéré comme viol tout acte sexuel avec pénétration sur une personne de moins de 13 ans. Viol aussi, si la victime a entre 13 et 16 ans et que l’auteur a au moins 3 ans de plus qu’elle.

CRIME GENERIQUE SANS RECHERCHE DU CONSENTEMENT

Il n’est même plus question d’agression sexuelles ou de viol. La loi punit de tout acte sexuel sur le mineur. C’est un crime générique qui s’applique à toutes les infractions en dessous d’un certain âge. Jamais nécessaire de se pencher sur le consentement.

Ça se passe en Allemagne, Autriche, Pays Bas, Danemark, Portugal 

Tout acte sexuel commis sur un mineur de moins de 14 ans est une infraction. Criminelle ou délictuelle. Sauf pour le Danemark où l’âge limite est 12 ans.

– En Allemagne : le droit pénal est plus simple et épuré que le droit français. Tous les actes sexuels commis à l’encontre d’un mineur sont réprimés dans un chapitre autonome : abus sexuel. La pénétration sexuelle n’est pas constitutive d’une infraction mais est une circonstance aggravante en dessous de 14 ans. Présomption implicite de l’absence de consentement.  C’est seulement au-delà de 14 ans, que la question du consentement se pose.

– Au Portugal : la pénétration est une aggravation, elle augmente la peine encourue. La jurisprudence portugaise précise que le consentement de la victime n’exonère pas l’auteur de sa responsabilité pénale. Elle ajoute, que puisque la loi présuppose que le mineur ne dispose pas du développement psychologique suffisant pour comprendre les conséquences de tels actes qui peuvent gravement porter préjudice à son développement physique et psychique, ce n’est pas au pédopsychiatre de le présupposer, mais à la loi portugaise.

RECHERCHE DU CONSENTEMENT DU MINEUR

Ces législations retiennent la notion d’agression sexuelle et la caractérisent par un acte de violence, de contrainte et prévoient une peine aggravée lorsque la victime est mineure.

France, Italie et Espagne. Aucun seuil d’âge. L’âge de la victime n’empêche pas la recherche du consentement. Elles font la distinction entre le viol, les agressions et les autres atteintes sexuelles.

Selon la CEDH, les législations qui considèrent que l’absence de consentement et non plus l’usage de la force est l’élément constitutif de l’infraction de viol sont modernes. Elles séduisent aussi car elles ont l’avantage de la simplicité.

En conclusion, dans ces législations modernes, une toute autre logique précède l’incrimination des infractions sexuelles sur mineurs. En Allemagne, les distinctions entre les différents types d’agressions ne sont pas pertinentes en dessous d’un certain âge. Ce qui est caractéristique, c’est la sauvegarde du développement psychologique des mineurs, c’est cette sauvegarde qui justifie l’incrimination.

La valeur qui est protégée dans ces pays, c’est le développement psychologique des mineurs. En droit français on protège la liberté sexuelle. Mais est-ce que la liberté sexuelle a un sens chez un enfant ? Cette divergence essentielle en terme de valeurs protégées explique les différences entre les pays. 

PROPOSITION DE TEXTE  

Il serait intéressant de créer un chapitre dans le code pénal français qui viserait à la protection du développement psychologique des mineurs ou de garder le chapitre de la mise en péril des mineurs en y intégrant l’incrimination des actes sexuels intentionnels commis par un majeur sur un mineur de moins de 13 ans. Pour une coïncidence avec l’âge de la responsabilité pénale des agresseurs.

L’âge de la victime quitterait  les circonstances aggravantes pour rejoindre celui des éléments constitutifs de l’infraction. La pénétration sexuelle quitterait les éléments constitutifs pour rejoindre les circonstances aggravantes.

Exit tout débat sur le consentement. Exit toute preuve des adminicules.

Fin ou réduction de l’atteinte sur mineur et de la crainte d’une augmentations des correctionnalisations d’agressions sur mineurs.

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